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17/03/2008

Un nouveau livre de la jungle ? (Autour de paperblog)

Perdu dans la jungle des blogs ? Paperblog est un portail créé en juillet 2007 par une équipe de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications pour sélectionner quelques uns des meilleurs blogs du moment. C'est une des vingt-sept "entreprises innovantes" qui utilisent l'expertise d'une grande école pour développer leur concept.

Créé à l'initiative notamment de Nicolas Verdier suite à la découverte de la blogosphère aux Etats-Unis, l'objectif du portail est simple : sélectionner et faire connaître une large sélection de sites francophones de la blogosphère, "un océan où sont noyées des pépites" selon son promoteur.

Culture, cuisine, Internet, high tech, insolite, people, sexo mais aussi conso, sorties, finances, sports, santé ou voyages : à ce jour, sur les six derniers mois, l'équipe de Paperblog (5 salariés et 3 stagiaires) a repéré et classé 2000 blogs. 1200 articles sont passés au crible chaque jour à travers deux filtres : l'un, un programme informatique permettant d'évaluer la qualité rédactionnelle des papiers, l'autre un tri lié aux préférences des internautes eux-mêmes.

C'est ce dernier filtre qui commande l'affichage à la une du portail. Vous pouvez à ce propos retrouver à la une sur paperblog la note consacrée sur ce blog à l'exposition Monet au Columbus Museum of Art dans une version illustrée par la rédaction, plus agréable à consulter, dans la rubrique culture (accès direct possible via le logo paperblog ci-contre).

Paperblog était consulté en début d'année par 25000 internautes par jour. Le spectre du site est à l'évidence plus varié que ne l'est celui des grands medias citoyens tels qu'Agoravox ou les sites d'idées que sont Telos, Nonfiction ou encore Montaigne. La culture dite "générale", en un sens plus proche de l'intelligence collective que des humanités compassées, ne s'en portera que mieux.

Cela fait au total une communauté très diverse et cependant unie par des curiosités ouvertes et le goût d'écrire, accessible à travers un portail fonctionnel et vivant. Une immersion rafraîchissante, pleine de découvertes et de favoris en puissance (*). Et rassurante, voire reposante, pour tous ceux que rebutent les dérives ordinaires de blegosphère.

(*) C'est désormais un standard posé par les nouveaux réseaux sociaux : le site permet également de créer ses pages de présentation et d'organiser à la fois un système de favoris et une liste de contacts.
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PS (18/03) : La note sur Monet peut désormais être retrouvée dans la rubrique Culture de Paperblog, section Arts & spectacles.

16/03/2008

Deux points de vue sur l'eau (1) Chicago

Il faut voir, à l'approche de Chicago, au creux de l'hiver, la nuit tombée, le Lac Michigan pris dans les glaces. On le devine en réalité plus qu'on ne le voit quand l'appareil, venant de l'Ohio, contourne la ville par l'est en plongeant vers l'eau et en amorçant, simultanément, un long virage étiré qui nous place, quelques instants, en suspension à quelques dizaines de mètres au-dessus du lac.

De lourdes plaques de glace aux contours brisés se détachent alors lentement de flots d'un noir profond au fur et à mesure de la descente. Ce qui, le jour, ferait un contraste dur entre la glace et l'eau prend, la nuit, l'allure d'une variation plus subtile, à peine perceptible par endroits, entre les composants d'une même nature dont l'obscurité dilue les contours, tantôt soudés, tantôt au contraire déchirés.

A la fin, ce n'est plus qu'un vaste trou noir face au mur que dresse soudain les buildings du Loop, denses comme un roc, et cependant dérisoires au milieu des vastes espaces sauvages du Michigan et du Wisconsin, de part et d'autre du lac qui tombe vers le Midwest comme une gigantesque feuille d'érable depuis Saint Ignace et Mackinaw qui commandent, plus au nord, le passage vers Huron.

Urbs in Horto (la ville dans un jardin) : dérisoire ? c'est aussi une figure saisissante de la puissance - de la prédation aurait dit Harrison, exercée depuis deux siècles par la mégapole du Midwest sur un environnement riche en matières premières de toutes sortes : bois, viande, minerais, céréales... exploitées par l'armée des ombres d'une immigration qui, mue par ses rêves, s'est tuée à la tâche.

Cette barrière de pierres au front orgueilleux qui monte vers le ciel au long de Michigan Avenue, c'est une cathédrale magnifique sur un tombeau de plaintes. Derrière, les longues lignes de fuite que dessinent les avenues densément éclairées du centre sont les allées d'une nef à ciel ouvert qui finit par se perdre dans les mystères de l'ouest.

14/03/2008

"Vive la France !" (In Monet's Garden)

C'est sur cette exclamation enthousiaste que le Met présente sur une pleine page d'un supplément culturel du New York Times les expositions qu'il programme au printemps et qui mettent la France à l'honneur en effet, avec Poussin d'abord, puis Courbet, tandis que de nouvelles galeries consacrées au XIXe siècle et faisant la part belle à l'impressionnisme ont déjà ouvert au public. Est-ce un effet collatéral de la tête d'affiche que se disputent les démocrates de primaires en primaires depuis plusieurs mois ? Ce vent de francophilie s'étend en tout cas à travers tout le pays et atteint même le Midwest.

Après l'expo Degas qui tint l'affiche au Columbus Museum of Art il y a un an, celui-ci récidive aujourd'hui avec une exposition consacrée à Monet intitulée : "In Monet's Garden - Artists and the Lure of Giverny", et montée par Joe Houston et Dominique Vasseur avec Melissa Wolfe. Aucun doute en parcourant l'exposition pourtant : c'est tout autant Giverny que Monet qui sont mis à l'honneur, et presque davantage ses élèves américains que le maître français. L'impressionnisme en général et Monet en particulier ont en effet exercé une attraction considérable sur toute une jeune école américaine qui finit par s'expatrier en masse en Normandie ; avec Butler, de nouvelles accointances familiales y furent même nouées avec le clan Monet.

Les Iris sont bien sûr particulièrement mis en valeur, avec en particulier un très beau "Champ d'iris jaunes à Giverny" de 1887 qui dessinent une sorte de géologie contrariée et cependant harmonieuse du paysage. Mais c'est sans conteste "La Seine près de Giverny, brumes matinales" (1897) qui constitue le clou de l'exposition. Les tons - verts, mauves, gris - très pâles s'y mêlent au point d'estomper le contour propre des formes qu'ils désignent en une fusion qui oscille entre l'estampe et l'aquarelle. Une petite merveille d'alchimie et de retenue, dont se dégage une grande sérénité.

On avait oublié ce Monet-là : les tableaux postérieurs, surtout ceux des années 1915-20, sont beaucoup plus vifs, colorés, désarticulés - agressifs. C'est un nouveau monde qui surgit et qui s'émancipe, sur le tard, plus franchement du réel. Quelques Nymphéas de cette époque en témoignent avec vigueur et, plus encore, les variations étonnantes sur le Pont japonais (1918) qui confinent au fantastique. Les travaux autour de l'Allée des rosiers aux environs de 1920, en perdant un peu de violence, prennent une coloration plus initiatique.

Les impressionnistes américains cherchent leur voie autour de ce point névralgique de leur apprentissage. Monet est même saisi en train de peindre par Sargent (à la fin, sans les refouler pour autant, il s'efforcera de maintenir à distance ces hordes de Yankees dévôts). Metcalf s'inspire de l'Epte en une toile qui, pour un peu, préfigurerait le pointillisme, comme dans les études de nu de Ritman. Breck, Wendel prennent le large dans d'honnêtes vues de plein champ - les "Poppies" de Breck, immergés dans une floraison de coquelicots sous un ciel blanchâtre, ont une indéniable densité propre.

Les paysages de Butler, ses vues du jardin et même ses scènes familiales ainsi que les scènes d'eau d'Anderson ("The Idlers") s'aventurent davantage dans un frémissement impressionniste, que Theodore Robinson approche sans conteste le mieux dans "Afternoon Shadows", "By the Brook", et "La débâcle" qui fait une scène champêtre juste et contrastée autour du livre de Zola. Un galeriste américain de German Village le faisait cependant remarquer à juste titre : il était difficile pour les admirateurs américains de Monet de peindre avec le souci, non d'estomper, mais au contraire de valoriser la technique. Le labeur l'emporte du coup, logiquement, sur le rendu dans la plupart de ces toiles qui conservent, quoi qu'il en soit, un intérêt que l'on pourrait qualifier de focalisation et d'essaimage.

L'histoire se prolonge d'ailleurs à travers le Modern Art tout au long du XXe siècle, avec notamment les oeuvres torturées de Dibenedetto, les obsessions linéaires de Dan Hays ("Deterioration", "Reflection Transmission") et celles de Yeardley Leonard ("In the Garden") ou encore les calligraphies mathématiques d'Ellsworth Kelly ("Study for Seine") - toutes librement dérivées de l'univers de Monet.

Miranda Lichtenstein apporte à cet hommage l'étrangeté du regard du photographe avec des extérieurs rendus picturaux par le seul jeu de lumières artificielles, tandis que Joan Mitchell revient, beaucoup plus sagement que les étranges créatures de Ross ou les flots kitsch en diable de Cameron Martin, à l'inspiration du Monet des années 20, mais dans une peinture appuyée qui finit par en annuler la charge expressionniste. Entre un ou deux purs moments de peinture et un paquet de variations erratiques, on finit, pour tout dire, par s'emmêler les pinceaux.

12/03/2008

A l'Osteria (se souvenir des bonnes choses)

C'est au coeur de North beach, le quartier italien de San Francisco, en descendant Columbus Avenue en direction de la baie, un peu plus haut que Broadway Avenue qui sépare d'un côté le quartier chaud, de l'autre le quartier chinois, juste au-dessus de la Kerouac Alley et du Old Chinese Telephone Exchange, que se loge l'Osteria del Forno. Toute cette partie de Columbus Avenue est densément peuplée d'adresses italiennes. Le bon y côtoie le moins bon et les perles, comme partout, sont rares, surtout en matière de gastronomie italienne où les escroqueries sont monnaie courante (en Amérique, c'est cela dit moins d'arnaque dont il s'agit le plus souvent que d'une accommodation excessive à la mode américaine, un peu comme chez Maggiano dans le quartier italien de Chicago, avec des pâtes trop cuites et des sauces trop épaisses).

Ici, même le dimanche, et même les jours de pluie, cette adresse de quartier est prise d'assaut par un mélange d'initiés à l'air entendu et de touristes éclairés. Sous la pluie, il faut prêter un peu attention à ce renfoncement étroit, coincé entre une boutique de babioles et un restaurant sicilien plus large, entouré d'adresses clinquantes tout au long de l'avenue. Plus encore que le petit groupe de personnes - couples chics, familles nombreuses ou jeunes gens sans le sou - qui tâche tant bien que mal de s'abriter dans l'entrée extérieure, c'est l'allure de la carte qui éveille l'attention : rien de ce que l'on y voit habituellement n'y figure. A l'Osteria del Forno, comme son nom l'indique, on fait une cuisine au four, ce qui élimine pratiquement toutes les pâtes, du moins celles qui sont cuites à l'eau.

L'impression se confirme en entrant. Une trentaine de couverts, simplement mis, sur de petites tables sages dominées de vieux cadres et s'enfonçant pour les plus avancées de part et d'autre de l'entrée sur d'étroites banquettes. Au fond, derrière un comptoir étriqué, une petite équipe s'affaire au-dessus de deux ou trois fourneaux qui travaillent en continu toute la journée tant l'affluence est constante depuis les grands boulevards. Le restaurant italien n'existe pas - il est, à l'origine, une simple extension de la cuisine - et cette adresse le prouve en un savoureux pied-de-nez aux apparats de toute sorte. Mélange de salades, poignée de légumes de saison, poivrons grillés accompagnés d'une focaccia délicieusement moelleuse et tiède : ici, les antipasti, rustiques, mettent à leur manière mezza voce en appétit de la suite. Mention particulière pour le carpaccio di manzo et la breasola della valtellina, des plats classiques exécutés, soit dans les règles de l'art, soit avec une pointe d'originalité (quelques champignons et une pointe d'huile de truffe pour la bresaola) qui en rehausse les saveurs.

Après cette entrée en matière, les pizze sont parfaites : pâte mince, légèrement croustillante autour de quelques ingrédients choisis qui servent la pizza plus qu'ils ne l'alourdissent (l'antithèse, pour le coup, de la pizza américaine). Un choix de pizza bianca (sans sauce tomate) est aussi proposé. Plus originales, de délicieuses focaccine (chaussons de pizza) complètent le paysage, à base de légumes, de charcuterie ou encore de la rôtisserie du jour. Mais c'est sans conteste au chapitre des delizie dal forno que l'Osteria donne le meilleur d'elle-même. Outre de petites crêpes à la béchamel, on y trouve une excellente pasta al forno, des brochettes d'agneau fondantes accompagnés de légumes cuits au four eux aussi, des crevettes à la mode adriatique et, plus encore, une polenta al gorgonzola comme on n'en trouve plus.

Avec cela, les vins - des vins du Nord du Haut Adige ou du Veneto, un Lagrein Castel Turmohof, un Tiefenbrunner ou un Corvara Armani - sont simples et bons, frais, sans fruit excessif pour les blancs, veloutés juste ce qu'il faut pour les rouges, et se boivent volontiers au verre. Avec les desserts - quelques très bons classiques, dont un tiramisu crémeux à souhait qui fait quasiment disparaître la liqueur de café (trop souvent ailleurs copieuse et acide), ou encore une simple crème au caramel -, un petit verre de Moscato s'impose, d'autant que les additions sont ici très raisonnables.

Tout au long de notre séjour à San Francisco, cette cantine sera à la fois un repère familier et un régal sans cesse renouvelé autour de spécialités du jour à se damner telle que la polenta alle salcice ou les ravioli alla zucca. Une bonne partie de mon enfance s'étant déroulée sous les auspices de la cuisine de ma grand-mère italienne, la nonna, je ne saurais trop dire aujourd'hui encore si les portes de l'Osteria ouvrent les papilles de l'adulte ou les trésors de l'enfant. Elles ouvrent, en tout cas, sur une cuisine du nord-est rare que je croyais, à tort, disparue.

18:52 Publié dans Bonnes tables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gastronomie

28/02/2008

Notes sur le débat de Cleveland

Un nouveau débat, le dernier avant le scrutin du 4 mars, opposait mardi soir à Cleveland (Ohio) Hilary Clinton et Barack Obama. En resterait-on aux politesses d'usage ? Quel était l'enjeu véritable de ce débat ? Comment Obama le sage pourrait-il résister à Hilary la combattante ? Et d'ailleurs, débat ou spectacle : de quoi s'agissait-il au juste, aux confins de la démocratie et du marché ? Eclairages...

Petites politesses entre amis

Un internaute, qui suit les affaires américaines avec autant d'intérêt que d'esprit critique, m'interpelle : comment pouvez-vous dire que le débat politique est, aux Etats-Unis, plus civilisé que dans notre pays ? Je maintiens qu'il s'agit ici souvent moins d'écraser l'adversaire que de faire triompher ses qualités propres et que cela, me semble-t-il, civilise les formes de l'échange (il est d'ailleurs difficile d'exprimer une critique aux Etats-Unis). En regardant le débat d'hier soir, et après l'échauffement d'usage, on n'en ressentait pas moins une sorte de violence froide, à la fois parfaitement policée et lourdement critique. Il est vrai que pour ce dernier round avant la bataille décisive de la semaine prochaine, Hilary Clinton n'avait guère le choix et était acculée à l'attaque ("I am a fighter" ne cessait-elle de répéter). Du coup, inversement, il me semble que c'est le respect et la hauteur qu'imposent Obama qui ont fait la différence.

Soundless political machine

Cela vient au fur et à mesure et finit par s'imposer. Crise du crédit hypothécaire, libre-échangisme, guerre en Irak, assurance santé... On se rend compte que, sur le fond, le débat ne changera pas grand-chose et même, contrairement à ce qu'invoque les citoyens et les challengers (c'est-à-dire, aujourd'hui, Hilary), il n'est en réalité pas fait pour ça. D'ailleurs, tout le monde ou presque s'en moque ; il n'y a guère que les journalistes qui tentent de rationaliser la lutte a posteriori par des dizaines d'analyses associées à autant de "focus groups" - et on notera au passage que ceux de MSNBC, qui avaient ce soir-là la charge d'animer les débats, ont montré bien plus de précision et de pugnacité que ce n'est généralement le cas avec ceux de CNN. Non, le véritable objet du débat, c'est la joute oratoire et ce qui est en jeu ce sont les qualités démontrées par le champion de chaque camp dans l'arène sur un plan émotionnel et symbolique. A la fin d'ailleurs, que se demande-t-on : quels étaient les meilleurs arguments ou qui a gagné ?

La gestuelle d'Obama

Deux postures d'Obama étaient particulièrement frappantes, et même étonnantes à ce niveau, dans le débat d'Austin. Première attitude caractéristique : ne cesser de prendre des notes pendant que l'adversaire parle, surtout quand il attaque. Cela permet sans nul doute de prendre une contenance et de préparer la riposte, mais peut aussi donner l'impression d'une attitude appliquée, presque scolaire (que renforce d'ailleurs, gestuellement, son identité de gaucher). Un courant d'air très localisé l'obligeait de plus à caler en permanence les pages de son bloc-notes avec son stylo, à tel point qu'il aurait pu, avec le sourire, rebondir sur "le souffle" supposé l'inspirer tout au long de cette campagne et faire déjà de lui le candidat désigné. A l'inverse, Hilary Clinton fixait Obama chaque fois que celui-ci prenait la parole - et plus encore à Cleveland qu'à Austin. Seconde attitude caractéristique : lever la main de façon très explicite et répétée pour demander la parole. On pousse là encore plus loin le syndrôme scolaire. Or, Obama a été manifestement briefé de près entre les deux débats par ses conseillers. A Cleveland, ses prises de notes se sont raréfiées. Surtout, à l'attitude de la main levée s'est substituée la main dirigée vers l'avant (direction à prendre) ou martelant le propos en frappant la table du doigt (puissance de l'argument). Il y avait quelque chose de presque touchant dans ces attitudes d'Austin, mais c'était plus percutant comme ça à Cleveland.

L'art de la contre-offensive

Au-delà de ses corrections, que faire face à une Hilary Clinton déchaînée, dont les images en cours de débat rappelait comment elle avait, dans un meeting récent, singé un Obama inspiré regardant vers le ciel et demandant à tous de s'unir pour changer les choses par le miracle d'on-ne-sait quelle bénédiction ?... Obama en a d'ailleurs ri, pour le coup, de bon coeur sur le plateau et félicité son adversaire pour ses talents de scène. Son positionnement n'en est pas moins resté très efficace : ne pas se laisser emporter par la polémique, mais répondre avec clarté et fermeté lorsque les attaques vont un peu loin, en n'abattant quelques coups lourds que soigneusement choisis - le principal sur l'Irak (et c'est d'ailleurs le vote qu'a déclaré le plus regretter Hilary à la fin du débat). Le plus frappant est l'impresson de hauteur et, plus encore, presque de douceur, qui se dégage de lui, beaucoup plus d'ailleurs dans les débats télévisés que dans les meetings. C'est là un fait très surprenant, atypique en tout cas en politique, presque féminin ; c'est comme si face à une Hilary Clinton agressive, il avait en effet inversé les postures. Redoutable, car alors les attaques glissent et ne semblent pas avoir prise. Simultanément, l'adversaire est renvoyé vers le bas tandis que sa cible, par gravitation relative, renforce encore la hauteur de son positionnement.

L'élection comme business

Dernier point, de portée plus générale, en suivant depuis maintenant six mois, jour après jour, semaine après semaine, la couverture médiatique de l'élection, en particulier à travers CNN, le New York Times et les blogs. Voilà une élection qui, depuis le début, se déploie comme un feuilleton, un méta-récit, une véritable "machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits" aurait dit Christian Salmon dans "Storytelling" (on reviendra sur ce petit livre passionnant). Plus encore, l'élection apparaît soudain comme un des business clés de l'économie américaine. Dès lors en effet que l'on agrège impact direct, indirect et induit notamment dans le secteur de la communication au sens le plus large du terme (fund-raising, medias, équipes, publicité, produits dérivés, lobbies, événements...), on aboutit, selon toute vraisemblance, à des montants de plusieurs milliards de dollars sur quelques mois. Jamais la démocratie et le marché n'ont été aussi organiquement liées qu'ici dans un système qui est, fondamentalement, un marché.


Le marché, pour autant, n'est pas conclu. La cause semble certes entendue selon les sondages : grâce à la poursuite de sa dynamique de victoire, à une meilleure prise en compte des difficultés de la "working class" dans le Midwest et à ses progrès au sein de la communauté latino initialement plus favorable à Hilary Clinton, Obama devancerait aujourd'hui largement sa concurrente et, contrairement à elle, serait donné vainqueur contre Mac Cain. Mais les mêmes estimations ne donnaient-elles pas, il y a à peine trois mois, une finale Giuliani-Clinton courue d'avance ?