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24/09/2008

Sur Obama (3) La politique comme sport de contact

En 1996, une opportunité se présente lorsqu’un siège devient vacant au Sénat de l’Illinois dans la 13ème circonscription du South Side. Obama a alors 35 ans et sa carrière politique est lancée. Progressiste dans une assemblée à majorité conservatrice, il s’impose, au-delà des coups à prendre, par sa capacité à élaborer des compromis. Lorsque la majorité devient démocrate, il est nommé président de la commission de la santé publique et des services sociaux. Il fait passer, dès la première année, vingt-six projets de loi. Pour lui, les petites victoires sont préférables à la défense de grands idéaux qui ont peu de chance de voir le jour. Sa méthode ? « Un bon compromis, une bonne législation, c’est comme une belle phrase. Ou un beau morceau de musique. Tout le monde peut le reconnaître. Ils se disent : « Oh, ça marche. C’est sensé ». Cela n’arrive pas souvent en politique, mais ça arrive ».

L’ayant remarqué à l’occasion d’une collecte de fonds, John Kerry l’invite à prononcer le discours-programme (keynote speech) lors de la convention démocrate de Boston le 27 juillet 2004 (c’est dans les mêmes circonstances qu’un autre présidentiable, Bill Clinton, avait été lancé en 1988). « Ne gâche pas tout mon pote » lui avait lancé Michelle alors que Barack lui confiait sa nervosité avant de prendre la parole. Tonnerre d’applaudissements, louanges médiatiques : du jour au lendemain, Obama s’est révélé à l’Amérique.

Après avoir échoué pourtant en 2000 dans la course à l’investiture démocrate pour la Chambre des Représentants, Obama tente de nouveau sa chance en 2003 pour un poste au Sénat cette fois. Les autres candidats démocrates semblent plus qualifiés que lui, et on lui prédit quelques difficultés dans les zones rurales du sud de l’Etat où, comme le suggère un journaliste, « la réaction courante face à une personne de couleur est de remonter les vitres de sa voiture ». Obama a cependant de la chance : ses concurrents démocrates, puis son adversaire républicain, Jack Ryan, se décrédibilisent. Le jeune candidat triomphe, y compris en défendant le libre-échange auprès d’un auditoire de syndicalistes (« Tous ces gars portent des Nike et achètent des Pioneer. Ils ne veulent pas que les frontières soient fermées. Ils veulent juste s’assurer que leurs familles ne seront pas détruites » confiera-t-il à ceux qui lui reprochent alors cette position).

Le 2 novembre 2004, il gagne avec plus de 70% des voix contre 27% à son adversaire et devient le troisième Noir à siéger au Sénat depuis l’époque de la Reconstruction (à la fin du XIXe siècle) : c’est la victoire la plus écrasante de toute l’histoire électorale du Sénat américain. On a même vu des fermiers blancs arborer le badge « Obama », d’autres attendre pour lui serrer la main : « Je connais ces gens, ce sont mes grands-parents » explique Obama. Il apparaît de fait comme un candidat « exotique », en tout cas non menaçant vis-à-vis des Blancs, et relativement inclassable, peu marqué idéologiquement. Quatre électeurs républicains sur dix ont voté pour lui et neuf Afro-Américains ont voté pour lui alors que son adversaire était noir lui aussi. « Ce que nous avons montré, souligne Obama en reconnaissant qu’il a eu de la chance, c’est que nous pouvons être en désaccord sans être ennemis ». En tout cas, il reçoit dans la foulée une avance de 1,9 millions de dollars pour écrire d’autres livres après ses mémoires, il peut alors rembourser tous ses prêts et acheter une maison à Hyde Park.

23/09/2008

Sur Obama (2) South Side vs Wall Street

Dans les années 80, Wall Street est en pleine expansion. Au lieu pourtant de céder à la tentation des portes dorées, Barack court cinq kilomètres tous les jours, jeûne le dimanche et observe la face cachée de la ville. En 1983, il est licencié de science politique avec une spécialisation internationale. Ses premières tentatives pour être embauché par des organisations oeuvrant dans le domaine des droits civiques ne rencontrent pourtant guère de succès. Il prend du coup un poste de conseiller financier. Confortable mais bref : il y met fin bien vite lorsque lui revient son ambition de servir. C’est Marty Kaufman, présidente de The Calumet Community Religious Conference de Chicago qui l’embauche comme animateur social, en charge d’organiser des programmes de formation pour les habitants des quartiers pauvres, ceux-là mêmes qui « avaient abandonné l’espoir qu’un homme politique puisse vraiment améliorer leurs vies. Selon eux, un tour de scrutin (…) était simplement un ticket pour un bon spectacle ». 10,000 $ par an pendant trois ans, plus une prime de 2000 $ pour s’acheter une voiture. Il tombe amoureux de Chicago. C’est là, peu de temps avant de repartir peaufiner sa formation à Harvard en 1988 qu’il assiste au sermon du révérend Wright, The Audacity of Hope.

A Harvard, Barack obtient son J.D. degree magna cum laude avec les félicitations et est nommé en 1990 président de la prestigieuse revue de droit, la Harvard Law Review, le premier président noir en plus de cent ans d’existence de cette publication alors qu’il n’a pas encore trente ans. De retour à Chicago, il décline de nouvelles offres d’emploi très bien rémunérées et entre chez Miner, Barnhill & Galland, un cabinet spécialisé dans la défense des victimes de discriminations. Il continue parallèlement à enseigner le droit constitutionnel à la Chicago Law School. « Vous aurez toutes opportunités nécessaires quand vous serez diplômés. Et il sera très facile pour vous d’oublier toutes vos belles idées progressistes et d’aller courir après les gros salaires, les beaux costumes et tout ce que la culture de la consommation vous dira d’acheter. Mais j’espère que vous n’abandonnerez pas facilement vos idéaux. Il n’y a rien de mal à gagner de l’argent, mais orienter sa vie autour de cela dénote une absence d’ambitions » dit-il alors à ses étudiants.

A l’été 1989, il rencontre Michelle Robinson, qui deviendra sa femme. Issue d’une famille ouvrière de Chicago, Michelle, née en 1964, se décrit elle-même comme « une fille noire typique du South Side ». Mais elle a fait Harvard elle aussi et a, comme Barack, privilégié le service public – elle deviendra d’ailleurs vice-présidente d’un grand hôpital de Chicago. Alors que beaucoup d’Africains-Américains qui ont réussi choisissent d’épouser des femmes blanches, comme un symbole de leur réussite sociale, Barack épouse Michelle en 1992 – un choix d’une Brown sugar qui a réconforté les femmes noires dans tout le pays, confiera l’une d’elle – à la Trinity United Church of Christ devant le révérend Jeremiah A. Wright. Le couple a deux filles, Malia Ann, née en 1999, et Sasha, née en 2001.

Ils deviennent un modèle pour la famille noire américaine, une famille qui souffre avec seulement 36 % des enfants noirs vivant avec leurs deux parents. Est-ce parce que le mariage est perçu par les hommes noirs comme une contrainte ? Est-ce la peur d’un statut socio-économique souvent inférieur à celui de leur compagne ? La conséquence d’une éducation à l’indépendance très marquée chez les femmes noires ? Ou encore un phénomène lié au fort degré d’incarcération chez les hommes noirs ? Les interprétations proposées par les sociologues varient. Alors que d’autres femmes noires ont imposé une voie différente à leurs époux – ainsi de la femme de Colin Powel empêchant celui-ci de se présenter à l’investiture suprême en 1996 de peur qu’il ne se fasse tuer – Michelle accepte finalement de renoncer à sa propre carrière pour soutenir Barack. Commentaire du sénateur : « C’est quelqu’un qui est fier de mes réussites et qui me soutient dans tout ce que je fais, tant que je continue à sortir les poubelles et à lire des histoires aux enfants le soir ».

Sur Obama (1) Les ressources de l'identité

Rien qui n’évoque mieux l’effervescence politique actuelle aux Etats-Unis que le mot de Tocqueville mis en exergue à l’ouvrage de François Durpaire et Olivier Richomme, "L'Amérique de Barack Obama" (*): «Ce qu’on ne saurait comprendre sans en avoir déjà été le témoin, c’est l’activité politique qui règne aux Etats-Unis. A peine êtes-vous descendu sur le sol de l’Amérique que vous vous trouvez au milieu d’une sorte de tumulte ». Or il est sûr que l’émergence d’Obama à travers la campagne présidentielle contribue pour beaucoup à ce regain de mobilisation pour la politique en Amérique et d’intérêt pour l’Amérique. « L’Amérique de Barack Obama » est un livre bien documenté, nécessaire et opportun, qui représente une bonne première référence française sur le sujet. Il donne les premières clés factuelles pour saisir en même temps la montée en puissance du sénateur de l’Illinois, les lignes de force socio-politiques du pays et la dynamique née de l’interaction entre le projet d’Obama et l’Amérique de George Bush tant il est vrai qu’une élection est une rencontre entre une personnalité, une vision et une nation.

Les plus grandes ambitions politiques naissent-elles d’un manque de père ? C’est la thèse que défendent certains psychanalystes et que semble attester le titre de l’autobiographie d’Obama, Dreams from my Father. Barack Obama naît le 4 août 1961 à Honolulu, d’un père kenyan, jeune étudiant en économie qui passera ensuite par Harvard, et d’une mère blanche, Ann Dunham, qui a en réalité des origines mélangées, à la fois irlandaises, écossaisses et cherokees – c’est une lointaine descendante de Jefferson Davis, originaire de Wichita (Kansas). Ses parents se séparent lorsqu’il a deux ans, et sa mère se remarie avec un étudiant indonésien et la nouvelle famille s’installe à Djakarta où naît Maya, la demi-sœur de Barack.

De 1967 à 1971, il fréquente l’école publique locale où se mêlent jeunes chrétiens et musulmans. Les conditions de vie ne sont pas faciles : comme la famille n’a pas les moyens de le mettre à l’International School, c’est sa maman qui, tous les matins, vient dans sa chambre à quatre heures pour lui donner trois heures de cours avant que ne démarre la journée. A dix ans, « Barry » est envoyé à Hawaï, chez ses grands-parents pour suivre une meilleure scolarité à l’école Punahou, où étaient inscrits autrefois les enfants de la famille royale. Un territoire très métissé où Barack est cependant perçu comme un Noir. Commence alors une adolescence marquée par un malaise identitaire certain. Il ne reverra qu’une fois son père avant que celui-ci ne meure en 1982 d’un accident de voiture ; et c’est avec sa mère, qui prépare alors un master en anthropologie, qu’il s’installe. Une mère qui lui transmet les valeurs héritées de la période des droits civiques : tolérance, égalité, combat en faveur des défavorisés.

Le basket, dont l’intérêt pour lui remonte à un cadeau de Noël de son père, est un refuge et une école dans lequel il apprend à ne pas montrer ses émtions, surtout la peine et la peur – cela reste aujourd’hui, paradoxalement, une caractéristique de son charisme. Il n’en devient pas moins « une caricature de l’adolescent noir, lui-même caricature de la virilité américaine fanfaronne ». Selon Cornel West, professeur d’études afro-américaines à Princeton, être « bad » pour les jeunes Noirs, c’est affirmer par la provocation une identité subversive au sein d’une culture blanche majoritaire vécue comme hostile. Le jeune Barack n’échappe pas aux insultes racistes ; il découvre même la peur qu’inspirait à sa grand-mère les mendiants noirs selon un stéréotype bien établi aux Etats-Unis. Après le lycée, c’est l’Occidental College de Los Angeles à 18 ans, qui ne change rien encore à cette errance identitaire, et son initiation aux drogues – le piège tendu à la majorité des adolescents noirs, le rôle que l’on s’attend à les voir tenir – qu’il confessera d’ailleurs ouvertement dans son autobiographie, faisant le pari, réussi, de la portée éducative de cette confession. « Les jeunes gens qui sont dans une situation difficile doivent savoir que l’on peut faire des erreurs et s’en sortir » confiera-t-il ainsi en 1995.

Dans ce nouveau melting-pot où les engagements marxistes et féministes se mêlent à la diversité des ethnies, Barry reste pris entre deux mondes. La rencontre avec une étudiante, Regina, l’incitera à se révéler et à improviser, en pleine fête étudiante, son premier discours contre l’apartheid. « Ça me donne l’impression d’être important. Parce que j’aime les applaudissements. Ça me donne des frissons. C’est tout » confessera-t-il ensuite pour prendre de la distance avec ce premier engagement. Toujours cette peur de n’avoir sa place nulle part car, dit-il, « mon identité ne pouvait pas s’arrêter à ma race ». Barry revendique alors son prénom, Barack, que Regina trouve « beau et authentique ». En 1981, Barack quitte alors Los Angeles pour entrer à Columbia, New York.

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(*) Et dont cette série de notes rend compte.

21/09/2008

Un été américain (4) Retour à Washington DC

Parce que ce fut le lieu, il y a bientot un an, d'une mission d'expertise passionnante sur les questions politiques et de communication (voir oliveretcompagnie, rubrique Institut Montaigne), je retrouve ces jours-ci avec grand plaisir Washington DC - y compris son cote residentiel et provincial qui, du cote de Georgetown, presente d'ailleurs de frappantes similarites avec le quartier de German Village a Columbus : belles maisons de briques, un peu plus hardiment colorees et d'allure plus victorienne que germanique ici, grands espaces verts, impression de quietude cossue entre boutiques chics et bonnes adresses.

Plus au centre, autour de l'hotel - on se rejouit, a travers le Sofitel, de cette french touch qui fleure bon l'exception culturelle au coeur de Washington -, c'est un calme analogue qui domine sur la 15eme rue, entre l'ambiance debraillee de McPherson Square et celle, plus digne, de Lafayette Park, juste derriere la Maison Blanche.

C'est un diner sur le theme du chocolat (dont on a conserve puis egare la carte depuis lors entre le Midwest et Manhattan), a l'epoque ou le restaurant de l'hotel s'appelait encore le Cafe 15, qui donna naissance a l'idee d'une chronique gastronomique sur ce blog. Ce sont de nouvelles rejouissances a l'Ici - Urban bistro, qui en ravivent l'envie.

Au dejeuner tout d'abord, entre un avion chahute par la tempete et les retrouvailles avec quelques experts, on savourera une delicieuse fricassee de legumes de saison (courges, etc), un risotto cremeux aux champignons et petits pois et, pour finir, parmi un joili assortiment de patisseries, une tres honorable panna cotta. Trois fonds de verre sont proposes a la degustation pour accompagner les plats, dans l'ordre : un Sauvignon blanc avec des aromes fondus de fruit et de melon, un Carbonnieux, solide reference d'ordinaire mais qui se revele presque decevant ici compare aux trouvailles plus modestes qui l'entourent, et enfin un etonnant Pinot Gris de chez Rene Mure, avec un nez complexe et frais de peche, de pomme et d'amande - soyeux.

Dans la precipitation de ce dejeuner compensatoire d'un lever fort matinal et d'une matinee frugale, on prendra le cafe au cours du rendez-vous qui suivra.

L'affaire est encore plus serieuse au diner, qui commence par de delicieuses crepes aux champignons et au poulet avec une sauce a l'estragon. Dans une nouvelle trilogie de degustation, les crepes sont servies avec un vin sud-africain, Peter Andrew "Ingenium", agreable mais plat. Vient ensuite un iron steack (la partie comprise entre le filet les les cotes) savoureux et qui en remontrerait a bien des filets, prepare ici avec de petites pommes de terre et servi avec un Cabernet sauvignon argentin (Monte Alpha), complexe et bien structure, avec de savoureux aromes de chocolat. Le dessert est un mille-feuille a base de miel et de truffes servi avec un fond de Zinfandel - un choix plutot judicieux pour ce dessert experimental qui avive davantage la curiosite que la gourmandise.

Restaurant d'affaires, l'Ici est capable d'offrir aussi bien un dejeuner express a la demande qu'un diner plus proche de la pause intimiste, avec le concours d'un service attentif et agreable.
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L'Ici - Urban Bistro, est le restaurant du Sofitel - 806, 15 Street NW, Washington DC, 20005. Compter aux alentours de 30 $ pour un repas, plus environ 15 a 20 $ pour un ensemble de trois degustations. Note globale pour ces deux repas : 13.

10/09/2008

Un été américain (3) Labor Day autour de Central Park

Pour la fête du travail, qui tombe d'ailleurs le même jour aux Etats-Unis et au Canada et fait, dans les deux cas, un grand week-end qui marque traditionnellement la fin de l'été, commencer la journée dans l'appartement (temporaire) de Chelsea par un petit déjeuner que, pour une fois, l'on n'ira pas prendre au Pain quotidien (celui de la 17ème ou de Washington Square et, bientôt, de la 90ème, sont tout à fait bien) mais à la maison, autour de quelques viennoiseries ramenées de chez Bruno, le pâtissier d'Union Square.

Puis, travailler.

Vers 13h00, remonter en voiture, une confortable Chrysler de location, la 7ème jusqu'à Broadway. Une fois arrivé, prendre en passant au Café qui fait l'angle avec la 86ème de quoi alimenter un pique-nique sur le pousse : salade de thon, sandwiches au saumon et aux légumes, eaux minérales, que l'on savourera, un peu au-delà de la synagogue - mesurer au passage, d'un quartier l'autre, combien New York est une ville juive, ce qui lui vaut sans doute une bonne partie de sa prospérité et de son intelligence -, au bord de l'allée qui borde la zone naturelle protégée de Central Park Ouest.

Bouquiner, s'assoupir.

Oscillant entre l'ombre des larges allées et le soleil du milieu de l'après-midi, traverser ensuite le parc en contournant le Jacqueline Kennedy Onassis Reservoir jusqu'à l'Upper East Side entre les joggeurs, les tennismen et les badauds. Là, longer le musée de l'illustration - on peut aussi prendre un rafraîchissement en passant dans le jardin de cette sompteuse demeure, miraculeusement inconnue des touristes - et descendre la 5ème jusqu'au Guggenheim pour y jeter un oeil sur l'exposition Louise Bourgeois.

Là, déambuler.

Se souvenir de l'exposition photographique consacrée à l'artiste, il y a quelques mois, au dernier étage de la Tate Modern, et ne pas se retrouver, ici, dans cette accumulation de trouvailles désarticulées. Se perdre dans les sculptures vaguement ethniques, les variations trans-genres, les cellules obsessionnelles, etc. Réaliser, chemin faisant, sur l'élégante rampe continue dessinée par Wright, qu'une partie du goût populaire pour l'impressionnisme vient sans doute d'une sorte de refus non dit de l'art contemporain, comme s'il en était en quelque sorte la dernière buttte-témoin, l'ultime rempart qu'il faudrait célébrer infiniment du Luxembourg au Met et jusqu'à Columbus, contre l'ère insupportable de l'incertitude et du désordre.

Sortir, retraverser le parc.

Revenus sur la 88ème, faire un nouveau saut avant l'heure à la maison - une row house de style Queen Ann, début du siècle, avec une façade où alternent briques, pierres et terracotta, un grand escalier surélevé, des pignons plus ou moins excentriques et de larges bow-windows. Y déposer, comme en une coutume au lieu, un début de cave - quelques bouteilles achetées en passant chez Mitchell - ainsi que deux ou trois livres d'art - le catalogue de l'exposition Bourgeois, malgré tout, et surtout un bel album sur Rothko. Y deviser, au milieu du grand salon, avec la propriétaire.

Traîner, encore un peu.

Redescendre jusqu'à la 27ème, faire une pause à Chelsea, avant de repartir dîner sur Soho. Pour la terrasse et deux ou trois plats - dont une Putanesca et du vin sicilien -, se décider pour un italo-cubain, lent mais passable. Flâner un peu vers Sullivan et Prince, repérer au passage quelques adresses prometteuses.

Rentrer, tard.

Au petit matin - presque au milieu de la nuit - filer de nouveau en cab, vitre grande ouverte, à toute allure à travers la ville vers La Guardia pour Toronto.