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12/03/2008

A l'Osteria (se souvenir des bonnes choses)

C'est au coeur de North beach, le quartier italien de San Francisco, en descendant Columbus Avenue en direction de la baie, un peu plus haut que Broadway Avenue qui sépare d'un côté le quartier chaud, de l'autre le quartier chinois, juste au-dessus de la Kerouac Alley et du Old Chinese Telephone Exchange, que se loge l'Osteria del Forno. Toute cette partie de Columbus Avenue est densément peuplée d'adresses italiennes. Le bon y côtoie le moins bon et les perles, comme partout, sont rares, surtout en matière de gastronomie italienne où les escroqueries sont monnaie courante (en Amérique, c'est cela dit moins d'arnaque dont il s'agit le plus souvent que d'une accommodation excessive à la mode américaine, un peu comme chez Maggiano dans le quartier italien de Chicago, avec des pâtes trop cuites et des sauces trop épaisses).

Ici, même le dimanche, et même les jours de pluie, cette adresse de quartier est prise d'assaut par un mélange d'initiés à l'air entendu et de touristes éclairés. Sous la pluie, il faut prêter un peu attention à ce renfoncement étroit, coincé entre une boutique de babioles et un restaurant sicilien plus large, entouré d'adresses clinquantes tout au long de l'avenue. Plus encore que le petit groupe de personnes - couples chics, familles nombreuses ou jeunes gens sans le sou - qui tâche tant bien que mal de s'abriter dans l'entrée extérieure, c'est l'allure de la carte qui éveille l'attention : rien de ce que l'on y voit habituellement n'y figure. A l'Osteria del Forno, comme son nom l'indique, on fait une cuisine au four, ce qui élimine pratiquement toutes les pâtes, du moins celles qui sont cuites à l'eau.

L'impression se confirme en entrant. Une trentaine de couverts, simplement mis, sur de petites tables sages dominées de vieux cadres et s'enfonçant pour les plus avancées de part et d'autre de l'entrée sur d'étroites banquettes. Au fond, derrière un comptoir étriqué, une petite équipe s'affaire au-dessus de deux ou trois fourneaux qui travaillent en continu toute la journée tant l'affluence est constante depuis les grands boulevards. Le restaurant italien n'existe pas - il est, à l'origine, une simple extension de la cuisine - et cette adresse le prouve en un savoureux pied-de-nez aux apparats de toute sorte. Mélange de salades, poignée de légumes de saison, poivrons grillés accompagnés d'une focaccia délicieusement moelleuse et tiède : ici, les antipasti, rustiques, mettent à leur manière mezza voce en appétit de la suite. Mention particulière pour le carpaccio di manzo et la breasola della valtellina, des plats classiques exécutés, soit dans les règles de l'art, soit avec une pointe d'originalité (quelques champignons et une pointe d'huile de truffe pour la bresaola) qui en rehausse les saveurs.

Après cette entrée en matière, les pizze sont parfaites : pâte mince, légèrement croustillante autour de quelques ingrédients choisis qui servent la pizza plus qu'ils ne l'alourdissent (l'antithèse, pour le coup, de la pizza américaine). Un choix de pizza bianca (sans sauce tomate) est aussi proposé. Plus originales, de délicieuses focaccine (chaussons de pizza) complètent le paysage, à base de légumes, de charcuterie ou encore de la rôtisserie du jour. Mais c'est sans conteste au chapitre des delizie dal forno que l'Osteria donne le meilleur d'elle-même. Outre de petites crêpes à la béchamel, on y trouve une excellente pasta al forno, des brochettes d'agneau fondantes accompagnés de légumes cuits au four eux aussi, des crevettes à la mode adriatique et, plus encore, une polenta al gorgonzola comme on n'en trouve plus.

Avec cela, les vins - des vins du Nord du Haut Adige ou du Veneto, un Lagrein Castel Turmohof, un Tiefenbrunner ou un Corvara Armani - sont simples et bons, frais, sans fruit excessif pour les blancs, veloutés juste ce qu'il faut pour les rouges, et se boivent volontiers au verre. Avec les desserts - quelques très bons classiques, dont un tiramisu crémeux à souhait qui fait quasiment disparaître la liqueur de café (trop souvent ailleurs copieuse et acide), ou encore une simple crème au caramel -, un petit verre de Moscato s'impose, d'autant que les additions sont ici très raisonnables.

Tout au long de notre séjour à San Francisco, cette cantine sera à la fois un repère familier et un régal sans cesse renouvelé autour de spécialités du jour à se damner telle que la polenta alle salcice ou les ravioli alla zucca. Une bonne partie de mon enfance s'étant déroulée sous les auspices de la cuisine de ma grand-mère italienne, la nonna, je ne saurais trop dire aujourd'hui encore si les portes de l'Osteria ouvrent les papilles de l'adulte ou les trésors de l'enfant. Elles ouvrent, en tout cas, sur une cuisine du nord-est rare que je croyais, à tort, disparue.

18:52 Publié dans Bonnes tables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gastronomie

Commentaires

Olivier,
Enfin de retour ! L’inquiétude enflait dans les chaumières. Une sortie de route, une interpellation, un faux-pas, que sais-je ? Nous voilà rassurés et de belle manière, la grande forme.
Pour mettre en appétit, une critique gastronomique de haute volée. Une Italie Pacifique qui donne l’eau à la bouche. Après une telle invitation à y manger, je crains que l’Osteria del Forno ne soit obligée de s’agrandir sinon gare à l’émeute. Mon épouse qui fut florentine (2 ans) à son arrivée en Europe devint toute nostalgique devant de tels menus. On comprend qu’après des agapes pareilles la digestion fatigua et le blog en pâtit.
Nos souvenirs sont moins goûteux. On fréquentait surtout le colonel et l’écossais.
Cependant, la fidélité al Cuoco et à la Nonna c’est bien et bon mais la cuisine de la Californie n’est pas italienne mais californienne. Alors que faut-il penser d’une salade de betterave crue pour commencer (Raw Bette Salad) ou d’un Flan aux poivrons et au fenouil (Pepper and Fennel Casserole) ou d’une tarte aux artichauts ? Un saumon braisé à la sauce de groseille et pour finir une Raspberry shortcake (pas de miracle, mes interrogations je les tire de « Saveurs américaines », un joli livre des éditions du chêne).
Le vin non plus ne serait pas dégueu, dixit M. Coppola qui semble s’y connaître.
Récidive de choix avec une promenade de charme à Giverny. Le commentaire est avisé, savant sans pédanterie. Belle présentation des épigones américains, le défi étant difficile mais ils le firent sans complexe et avec, semble-t-il pour certains, réussite. Jolie pirouette finale en queue-de-morue. Critique gastronomique, critique d’art, Olivier, le boulot, le Nickel, faut y penser !
P.S. Les élections municipales en France, ça doit remuer les américains autant que chez nous les duels à l’arme blanche entre Barak et Hillary. Que pense le New York Times de l’élection de Martin au premier tour à Rillé ? de la triangulaire à Royat etc. ? Please.

Écrit par : Daniel | 14/03/2008

Daniel, merci pour ce message amical et enthousiaste. On se disait encore hier soir que cette cantine italienne de San Francisco est vraiment de haute volée, supérieure aux adresses ordinaires cela va sans dire, mais aussi à bien d'autres coins chichiteux qui manquent l'essentiel s'agissant d'une cuisine toute en concentration et en simplicité. En clair, rien vu de pareil depuis ma grand-mère comme on sait (ma mère fait, elle, une cuisine délicieuse, mais plus métissée, c'est son génie inventif propre !) ou mes séjours en Italie. Mais je n'aurais pas reculé devant votre menu californien... et d'autant moins que je traverse une phase diététique, plutôt étonnante me concernant. Enfin, je ne suis plus à un changement près ici.

Côté peinture, plaisir de voir le papier passer à la une sur http://www.paperblog.fr un portail français de sélection de blogs variés - vous devriez leur faire signe. Quant aux élections municipales, bien vu : ils s'en foutent ici comme de leur premier tee-shirt. Si tout de même : après l'enthousiasme des débuts, ils s'inquiètent un peu du désamour entre le peuple et le président. Il faut dire que depuis le "Then get out of here, you total jerk" (dans la traduction de Time), qui fait suite à la journaliste américaine rembarrée à l'Elysée, ils sont aussi un peu perplexes ici...

Écrit par : Olivier | 15/03/2008

Enfin ce blog devient intéressant ;-]]]...

bon, on en redemande ! et on a un petit restau bien sympa à te faire découvrir à Denfert quand tu repasses. A bon entendeur...

Écrit par : jp | 05/05/2008

Ah cool, je devrais passer prochainement autour d'un board à Paris justement (un week-end, la vache) entre un stop à Bruxelles et un crochet par London. Et une pasta à Denfert, donc ! Sinon, la profondeur de tes commentaires commençait à nous manquer par ici, tu sais mon coco ?

Écrit par : Olivier | 06/05/2008

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