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20/05/2013

Se souvenir des grands crus (Au Braisenville)

C'était autrefois une gargote du sud-ouest qui relevait davantage du folklore pour touristes perdus à deux pas de Montmartre que de la restauration. Elle s'est depuis lors transformée en une cantine contemporaine élégante et inventive qui démontre en soi tout l'intérêt du passage d'une gastronomie vieillotte à un fooding revigorant. C'est loin d'être le cas partout tant le contemporain est souvent mou du concept, mais voilà une adresse qui a bien fait de passer à la casserole.

Le design est à la fois sobre et chaleureux. Le lieu s'inscrit dans des lignes épurées de béton ciré doucement rehaussées de lumières tamisées, rouges et orangées, qui convergent vers une cuisine semi-ouverte sur laquelle règne Romuald Sanfourche, passé notamment par Londres et Sydney. Ce n'est pas (encore) l'orchestration magistrale de Yosuke Suga veillant sur sa brigade chez Robuchon sur la 57ème, mais enfin il y a indéniablement chez lui une véritable attention au produit. Et puis Sanfourche, lui, était seul ce midi-là, en cuisine. Une armée sans brigade, ce n'est pas la même puissance de feu.

Le restaurant propose le midi un menu simple et varié en forme d'honnêtes portions de dégustation, renouvelé tous les jours. Un jour de semaine, on trouve pour commencer : un velouté de poireaux crème au raifort, un boudin mangue ou une bonite choux fleur, caramel thaï. À suivre : de la bavette black angus duxelle asperges piquillos ; une épaule d'agneau, petits pois menthe ; du cabillaud, épeautre, encre de seiche.  Côté desserts : un flan au chocolat ; un crumble aux pommes rhubarbe ; ou un comté 36 mois. 

Le soir, à côté de la Pata Negra qui est une des marques apéritives de la maison, on trouve une belle émulsion de ratte du Touquet, noix, pleurotes, chanterelles, cresson ; des asperges du Poitou, un ceviche de bonite, un tempura de langoustines, un beau bar de ligne et de la lotte ; mais aussi un quasi de veau de lait basque, un filet mignon de cochon aux panais ou encore un foie gras confit au bouillon dashi. Une vraie fête, créative et juste.

Pleine de trouvailles, débarrassée des préjugés habituels, la carte des vins est à l'avenant. Elle associe quelques classiques - de grands bourgognes blancs, un Cos d'Estournelle -, des vins de région venus d'Arbois, d'Orléans ou du Languedoc, et des vins du monde en provenance d'Argentine, de Sicile, du Maroc ou encore de Serbie - dont un somptueux Zelia, proche du cabernet-sauvignon, fait là-bas par des Bourguignons... 

Je comprends leur exil. C'est une région du passé. Mais je ne peux pas oublier non plus que c'est là, au retour de New York, que ma fille a appris le français en récitant, à mesure que nous en parcourions les domaines, la liste des grands crus de la Côte de Nuit et de la Côte de Beaune.

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