23/09/2008
Sur Obama (2) South Side vs Wall Street
Dans les années 80, Wall Street est en pleine expansion. Au lieu pourtant de céder à la tentation des portes dorées, Barack court cinq kilomètres tous les jours, jeûne le dimanche et observe la face cachée de la ville. En 1983, il est licencié de science politique avec une spécialisation internationale. Ses premières tentatives pour être embauché par des organisations oeuvrant dans le domaine des droits civiques ne rencontrent pourtant guère de succès. Il prend du coup un poste de conseiller financier. Confortable mais bref : il y met fin bien vite lorsque lui revient son ambition de servir. C’est Marty Kaufman, présidente de The Calumet Community Religious Conference de Chicago qui l’embauche comme animateur social, en charge d’organiser des programmes de formation pour les habitants des quartiers pauvres, ceux-là mêmes qui « avaient abandonné l’espoir qu’un homme politique puisse vraiment améliorer leurs vies. Selon eux, un tour de scrutin (…) était simplement un ticket pour un bon spectacle ». 10,000 $ par an pendant trois ans, plus une prime de 2000 $ pour s’acheter une voiture. Il tombe amoureux de Chicago. C’est là, peu de temps avant de repartir peaufiner sa formation à Harvard en 1988 qu’il assiste au sermon du révérend Wright, The Audacity of Hope.
A Harvard, Barack obtient son J.D. degree magna cum laude avec les félicitations et est nommé en 1990 président de la prestigieuse revue de droit, la Harvard Law Review, le premier président noir en plus de cent ans d’existence de cette publication alors qu’il n’a pas encore trente ans. De retour à Chicago, il décline de nouvelles offres d’emploi très bien rémunérées et entre chez Miner, Barnhill & Galland, un cabinet spécialisé dans la défense des victimes de discriminations. Il continue parallèlement à enseigner le droit constitutionnel à la Chicago Law School. « Vous aurez toutes opportunités nécessaires quand vous serez diplômés. Et il sera très facile pour vous d’oublier toutes vos belles idées progressistes et d’aller courir après les gros salaires, les beaux costumes et tout ce que la culture de la consommation vous dira d’acheter. Mais j’espère que vous n’abandonnerez pas facilement vos idéaux. Il n’y a rien de mal à gagner de l’argent, mais orienter sa vie autour de cela dénote une absence d’ambitions » dit-il alors à ses étudiants.
A l’été 1989, il rencontre Michelle Robinson, qui deviendra sa femme. Issue d’une famille ouvrière de Chicago, Michelle, née en 1964, se décrit elle-même comme « une fille noire typique du South Side ». Mais elle a fait Harvard elle aussi et a, comme Barack, privilégié le service public – elle deviendra d’ailleurs vice-présidente d’un grand hôpital de Chicago. Alors que beaucoup d’Africains-Américains qui ont réussi choisissent d’épouser des femmes blanches, comme un symbole de leur réussite sociale, Barack épouse Michelle en 1992 – un choix d’une Brown sugar qui a réconforté les femmes noires dans tout le pays, confiera l’une d’elle – à la Trinity United Church of Christ devant le révérend Jeremiah A. Wright. Le couple a deux filles, Malia Ann, née en 1999, et Sasha, née en 2001.
Ils deviennent un modèle pour la famille noire américaine, une famille qui souffre avec seulement 36 % des enfants noirs vivant avec leurs deux parents. Est-ce parce que le mariage est perçu par les hommes noirs comme une contrainte ? Est-ce la peur d’un statut socio-économique souvent inférieur à celui de leur compagne ? La conséquence d’une éducation à l’indépendance très marquée chez les femmes noires ? Ou encore un phénomène lié au fort degré d’incarcération chez les hommes noirs ? Les interprétations proposées par les sociologues varient. Alors que d’autres femmes noires ont imposé une voie différente à leurs époux – ainsi de la femme de Colin Powel empêchant celui-ci de se présenter à l’investiture suprême en 1996 de peur qu’il ne se fasse tuer – Michelle accepte finalement de renoncer à sa propre carrière pour soutenir Barack. Commentaire du sénateur : « C’est quelqu’un qui est fier de mes réussites et qui me soutient dans tout ce que je fais, tant que je continue à sortir les poubelles et à lire des histoires aux enfants le soir ».
23:27 Publié dans De la démocratie vue d'Amérique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Obama, Barack Obama, Michelle Obama, élections americaines, Etats-Unis, politique
19/03/2008
Michelle, l'atout coeur d'Obama (2) Une Vice-présidente black à la Maison blanche ?
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A Villanova (Pennsylvanie) où elle fait campagne pour son mari, Michelle Obama déroule le fil de son propos comme on raconte une histoire : celle de son itinéraire avec Barack. Celle de tous les Américains ordinaires.
Car cette "barre", dont on ne cesse de repousser les limites lorsqu'il s'agit d'évaluer la capacité du jeune sénateur de l'Illinois à faire un président convenable, c'est le symbole même de la destruction progressive du rêve américain pour les gens modestes. Pour eux aussi, la barre n'a cessé de bouger : ce qu'il faut gagner pour accéder à une vie décente, un tant soit peu protégée des aléas de l'existence et ouvrant aux enfants les clés d'un avenir plus prospère ? Ce n'est jamais assez. La barre ne cesse de bouger et l'espoir de glisser. Le rêve américain, dans ces conditions ? - Il n'a jamais ressemblé d'aussi près à un mirage.
Et la femme de Barack Obama de revenir sur sa propre histoire, "l'anti-miracle" par excellence. Dans cette famille ouvrière de Chicago, il a fallu batailler ferme et travailler dur pour que la jeune Michelle gravisse peu à peu les échelons depuis l'école publique du quartier jusqu'à la consécration de Princeton. Il a fallu non seulement les chèques modestes et fiers de son père, mais aussi les emprunts bancaires conséquents (qui n'ont été remboursés que récemment avec la publication de la biographie de Barack). Cette histoire-type pourtant, dont se nourrit la détermination et l'espoir des parents pour leurs enfants, elle se tarit aujourd'hui sous les yeux de foyers américains groggy. Non seulement la fameuse "barre" n'en finit pas de s'éloigner, mais encore le sol se dérobe sous les pieds de l'Amérique modeste et de ses travailleurs pauvres. Si bien qu'au lieu d'être portés par ce qu'ils peuvent faire pour les leurs, les gens se retrouvent, comme aux heures noires du pays, obnubilés par ce qu'ils ont perdu.
Comment, dans ce contexte, surmonter les divisions qui opposent les communautés, les gens, les ethnies, les Etats, les générations quand même les plus anciens doivent encore travailler dur eux aussi pour continuer à honorer leurs traites sur la vie, alors qu'ils sont si utiles à l'éducation de leurs petits-enfants ? (Michelle Obama adresse alors un clin d'oeil à ses filles, sûr qu'entourées de leurs grands-parents, elles ont certainement droit à des sucreries interdites à une heure tardive, mais plus assurée encore du rôle essentiel de cette bienveillance familiale pour l'éducation de ses enfants) Comment retrouver du temps pour les autres ? Comment combler ce "déficit d'empathie", retrouver cette "mutuelle obligation des uns envers les autres" à l'origine de tout contrat social digne de ce nom ? Vraiment, il faudrait que Barack Obama, porteur de ce message et de ce changement, attende ? Mais le leadership le plus fort n'est-il pas celui qui, patiemment, modestement, s'est forgé dans l'ombre, l'expérience du terrain auprès des communautés démunies de Chicago plutôt que dans les couloirs feutrés des grands cabinets de Wall-Street où Barack aurait pu devenir millionnaire ?
Et dans l'apprentissage des différences inculqué par une mère du Kansas si ouverte sur le monde. Songez à l'enfance si incroyablement multiculturelle de Barack, entre le Kansas, l'Indonésie, Hawaï, le Kenya et imaginez, lance Michelle à l'assemblée, un président des Etats-Unis respectant les différences... Quelle différence ce serait en effet avec cette idéologie de la peur omniprésente ces dernières années, avec ces discours durs qui donnent à eux seuls l'impression de rassurer et de protéger. Naïf, Barack Obama ? lui qui a su émerger de l'Illinois - un repaire d'enfants de choeur, sans aucun doute - face à la puissance d'autres dynasties politiques. Le brillant spécialiste de droit constitutionnel qu'il a été a appris à la fois la mécanique à Harvard et le terrain à Chicago. Il est prêt, déterminé - et sait que l'on peut avoir des désaccords tout en respectant ses adversaires ou, mieux, en bâtissant des compromis honrables avec eux.
Oui, pourquoi attendre ? Parce qu'une fois de plus, il serait trop noir, disent les uns, ou pas assez selon les autres ? Trop radical pour certains, ou trop ouvert au compromis pour les autres ? Barack Obama crée certes une vraie dynamique de changement contre les pouvoirs installés, mais cette dynamique, rappelle son épouse ce soir-là à Villanova, est aussi un appel à la responsabilité de chacun, un appel à retrouver l'énergie du combat et le goût de se dépasser dans une Amérique affaiblie, appauvrie, qui s'est mise à douter, quand ce n'est pas à désespérer.
Le style est simple, sans effet inutile, presque réticent aux marques d'assentiment et d'enthousiasme tant il est pénétré de la force propre de son propos, et porté par l'aisance incontestable que donne le barreau. Michelle Obama n'utilise aucune note dans ce qui apparaît vite comme une causerie davantage que comme un discours - et, plus encore, comme une musique, avec le sens black du rythme aussi bien que de l'humour, qui permet de passer de l'autodérision la plus légère à la conviction la mieux forgée. Il y a de la générosité là-dedans. Le message de Michelle est clair : Barack est prêt.
Du coup, à mesure qu'on l'écoute, ce qui apparaît au moins aussi clairement, c'est que, bien plus qu'une first lady, cette femme impressionnante ferait elle-même une vice-présidente de choix.
23:51 Publié dans De la démocratie vue d'Amérique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Obama, Michelle Obama, élections américaines, politique, démocratie
18/03/2008
Michelle, l'atout coeur d'Obama (1) Cherchez la femme...
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Cherchez la femme ? Même si l'idéologie du politically correct ne permet pas toujours de la poser telle quelle, la question se pose en filigrane derrière tout candidat à l'élection présidentielle américaine. L'épouse de Mitt Romney ? On l'a oublié tellement l'image de la personne s'effaçait derrière la caricature de la fonction, et l'épouse comme il sied derrière la banlieue comme il faut. La femme d'Huckabee ? Une créature encombrante vu son empressement à coller son mari à la poindre occasion médiatique sans la moindre valeur ajoutée apparente, l'air généralement aussi ahurie que son mari paraît débonnaire et drôle.
Mme McCain ? Quoiqu'aussi silencieuse que ses consoeurs républicaines, Cindy McCain est plutôt jolie femme, et semble avoir le caractère, ferme, de son allure, élégante. Quoique Bill se démène sur les estrades électorales aux quatre coins du pays pour donner du coeur à la campagne de sa compagne, la problématique s'inverse naturellement avec Hillary qui, malgré ses propres efforts, apparaît toujours comme une femme froidement déterminée et calculatrice (a "monster" confessait récemment Samantha Power), portée davantage par la dynamique dynastique que par la volonté populaire.
Et Michelle Obama, alors ?
Il fallait voir, l'autre soir, la compagne du sénateur de l'Illinois faire campagne à Villanova, Pennsylvanie, dans un discours retransmis par C-SPAN, la chaîne publique dédiée à la politique. Un seul coup d'oeil suffit, à vrai dire, pour valider le jugement de la vieille dame distinguée rencontrée la veille de la primaire dans l'Ohio, au coeur d'un quartier historique de Columbus, avec son petit badge "Obama 2008" fièrement arboré, en promenant son nouveau chien, Noodles. - " Obama ? Bien sûr, c'est un très bon candidat. Mais vous savez, il a surtout une femme exceptionnelle...".
Quel discours ! Convaincu, enlevé, imposant à l'assemblée la force, l'évidence même de son propos dans un pays à la peine sur le plan économique et social et qui souffre, plus qu'il ne veut le dire, de ses divisions raciales. La barre fixée à Barack Obama pour être reconnu comme un candidat valable n'a cessé, a commencé par rappeler l'épouse du sénateur, d'être rehaussée au fur et à mesure de ses succès. Pas assez connu, a-t-on dit tout d'abord. Pas assez d'argent pour concourir, a-t-on vite enchaîné après le développement fulgurant de sa notoriété. Et avant qu'il ne batte bientôt des records dans ce domaine grâce aux millions de dons modestes accumulés au cours de sa campagne.
Sans doute, ont alors rétorqué les partisans d'Hillary Clinton forts de leur contrôle de l'appareil démocrate, mais cet homme-là ne peut prétendre sérieusement à la victoire sans s'appuyer sur une organisation digne de ce nom... Ce fut bientôt chose faite avec le succès spectaculaire remporté par Barack Obama dans l'Iowa, puis les succès suivants, notamment en Caroline du Sud. Oui, mais Obama réussit mieux dans les Etats noirs, a-t-on encore souligné - juste avant qu'il ne remporte haut la main nombre d'Etats blancs.
Ce n'est pas tout de remporter des Etats, il faut une stature nationale, voire internationale a-t-on enfin entendu. Et le sénateur de l'Illinois d'imposer à nouveau son charisme tranquille dans ces domaines difficiles, obligeant même Hillary Clinton par défaut, en opposant le discernement à l'expérience, à reconnaître publiquement lors du débat les opposant sur MSNBC son regret d'avoir voté la guerre en Irak.
- Et il faudrait attendre ? reprend Michelle Obama à la tribune. Mais attendre... pour quoi au juste ?
23:55 Publié dans De la démocratie vue d'Amérique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Obama, Michelle Obama, Barack Obama, élections américaines, politique