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24/01/2007

Foncez ! ("La patrie en danger" ou la réforme à la lumière de l'expérience canadienne)

Philippe Manière s'était déjà signalé par une analyse éclairante dans les derniers Enjeux des Echos (Le grand écart des élites, janvier 2007) de la vision biaisée que donne aux politiques l'habitude de fréquenter les deux extrêmes de la société française - les démunis d'un côté, les nantis de l'autre. Un tropisme qui aboutirait en effet à une non prise en compte des aspirations portées par la classe moyenne, et dont on peut penser qu'il explique largement le succès rencontré par l'ouvrage récent de Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, sinon le large rejet dont ont fait l'objet les déclarations fiscales du premier secrétaire du Parti socialiste (voir la note : Pile ou Face ? Hollande et le national fiscalisme en date du 19/01).

Il organisait ce soir, sous l'égide de l'Institut Montaigne, un débat sur le thème : " Réformer contre l'opinion : courageux ou suicidaire ?" Invitée d'honneur de ce débat, entourée de Michel Godet et Bernard Kouchner, Jocelyne Bourgon, Ambassadeur du Canada auprès de l'OCDE, qui pilota ces dernières années la réforme de l'administration et le redressement des finances publiques dans ce pays.

"La réforme, c'est mon métier, précise d'emblée cette femme d'action douce et volontaire, en insistant sur "l'enthousiasme" associé à ses yeux à cette responsabilité, et en soulignant "le courage de ceux qui vivent la réforme au jour le jour". Un point de vue qui tranche singulièrement avec une vision pessimiste et verticale, centrée sur les décideurs, propre à la représentation française du changement. Ce qui importe avant tout, selon elle, c'est d'ailleurs moins de gérer une réforme ponctuelle, fût-elle d'ampleur, que de diffuser à l'administration et à la société une véritable "culture du changement". Plutôt, en somme, "les petits pas que le grand soir".

En dix ans, la dette publique canadienne est ainsi passée de 70 à moins de 30 % du PIB et le budget, auparavant en lourd déficit structurel, atteint depuis une dizaine d'exercices un excédent significatif, du fait notamment d'un réquilibrage des responsabilités entre l'Etat fédéral et les provinces. Cela au prix d'actions de grande ampleur telles que la réduction de près d'un quart des effectifs de la fonction publique ou la privatisation du rail qui, du fait de son rôle historique dans le développement du pays vers l'Ouest, concentre pourtant au Canada bien des enjeux identitaires et symboliques.

Un enjeu sur lequel, en tout état de cause, les autorités canadiennes ont pris le temps de l'explication et du débat. Et tiré les leçons d'échecs répétés, non pas pour se décourager comme c'est à peu près le cas en France depuis les grandes grèves de 1995 (Alain Juppé, invité, n'a pu finalement participer à cet échange), mais pour mettre au point une stratégie efficace, adaptée au "génie national canadien". Loin d'apparaître ainsi comme un ensemble brut de coupes sombres, le changement engagé s'est appuyé sur le levier de la citoyenneté. D'une part, en faisant partager le principe simple qu'il n'y a pas de réelle souveraineté sans une maîtrise retrouvée des finances publiques; d'autre part, en stimulant les efforts par les gains retrouvés en matière de qualité de vie au sens large (des "indicateurs citoyens" ont ainsi été mis en place), y compris le temps drastiquement réduit de retour à l'emploi pour les chômeurs. Et en plaçant l'avenir de la jeune génération au centre du débat.

Mise en place de la loi d'orientation des finances publiques, développement des NTIC au ministère des Finances, audits patrimoniaux - voire réfome en profondeur du recrutement et de la scolarité de Sciences-Po : des exemples existent pourtant en France de réformes réussies sans fracas (il y faut un mélange de ténacité et de pragmatisme, soulignait récemment le ministre du Budget) ; mais ils demeurent marginaux. Bernard Kouchner, qui fut à l'origine des états généraux de la santé, évoque une "façade d'affrontement permanent" et l'absence d'une culture de coalition à l'allemande pour établir et porter un minimum de consensus socio-politique sur les réformes d'ampleur - on lira avec intérêt à cet égard le dernier point de vue de Nicolas Baverez dans Le point (La France consomme, l'Allemagne produit) sur les premiers résultats des réformes courageuses entreprises Outre-Rhin.

"Allez-y, foncez ! La patrie est en danger... " lui aurait dit un jour Jacques Barrot. Dans un style plus direct, Michel Godet, membre du Conseil d'analyse économique et récent auteur de: Le courage du bon sens - Pour construire l'avenir autrement, souligne quant à lui que "la réalité du terrain dépasse la fiction des idées". On ne saurait mieux dire, dans une approche qui gagnerait en effet à se montrer plus attentive à une logique d'expérimentation et d'accompagnement des 96 % d'entreprises françaises de moins de 20 salariés qui ne demandent qu'à tirer parti de conditions de développement plus favorables. Hélas, soupire Michel Godet, les politiques ne montrent guère d'appétence pour une approche pragmatique et modeste, dont le principal handicap est qu'elle ne puisse se traduire en annonces spectaculaires au journal télévisé du soir. "Les meilleures idées, conclut Godet, sont celles que l'on suscite" - et le courage doit aussi parfois savoir s'appuyer sur la ruse, comme l'a montré en son temps le cas du CIP, rejeté comme emploi jeunes sous-rémunéré, mais bien accepté au contraire là où il a su prendre le statut de bourse étudiante.

Certes, des différences culturelles rendent compte, pour partie au moins, de la plus ou moins grande acclimatation de cette culture du changement entre les deux pays. Au Canada, les relations sociales sont relativement pacifiées (il y a pourtant plus de journées de travail perdues pour faits de grève, souligne J. Bourgon, mais on n'en parle peu, et les grèves sont à la fois massives et ponctuelles). Surtout, le marché n'y est pas diabolisé - la culture de l'entreprise y est résolument nord-américaine - et le pays est à la recherche constante d'un équilibre dynamique entre l'Etat et le marché.

Tous s'accordent cependant sur quelques principes simples : la nécessité préalable d'une base de données, " de compréhension" précise Jocelyne Bourgon, qui soit commune et partagée ; une préparation très attentive et professionnelle, bien différente de stratégies à la hussarde dont notre pays fait régulièrement l'expérience en suscitant le même rejet ; un débat et une écoute en profondeur de la société pour dégager les ressorts du changement et enrichir le projet ; une stratégie enfin, au moins pour les sujets majeurs, qui gagne à ne se concentrer que sur un ou deux grands thèmes par mandat.

Un ensemble de principes auxquels l'Ambasseur du Canada auprès de l'OCDE apportera un complément presque anodin si l'on n'était déjà prévenu ici des limites propres à la culture occidentale de la stratégie (cf Stratégie, une vision chinoise - note du 11/01), mais sans doute décisif tant il est vrai que la démarche elle-même construit elle aussi la réforme, chemin faisant, par un ensemble de tentatives et d'inflexions qui vont bien au-delà, en termes de pilotage, du "ça passe ou ça casse". "Et puis, il y a un moment où il faut y aller, et on voit en y allant !" conclut ainsi l'ambassadrice du changement. Réjouissante culture de l'action, qui souligne du même coup le déficit patent d'une véritable méthodologie de la réforme au pays des débats éternels.

17/01/2007

L'honorable capitaine de la guerre Guidoriccio da Fogliano (sur un tableau de Simone Martini)

Comment en vient-on à faire de l'aventure un projet, de la transgression un devoir, de l'exploration un fil ? A l'origine de cette inspiration, il y a, souvent, la bienveillance d'une mère, et la confiance qui en résulte pour se frotter à la loi. Cet ancrage psychologique se double, dans mon cas, d'une dimension intercuturelle propre à interroger les frontières dans une famille partagée, italienne du côté de ma mère, normande du côté de mon père.

Cette inspiration, chez moi, s'est fixée sur une image.

J'aime "L'honorable capitaine de la guerre Guidoriccio da Fogliano" de Simone Martini. Je l'ai aimé dès le premier coup d'oeil, comme une figure de héros hors du temps, indifférent au danger, sûr de son fait. Il faut dire qu'il a fière allure, avec sa coiffe de condottiere, sa tunique seigneuriale en damier fleuri enveloppant sa monture et son arme à la main. Notre capitaine trotte majestueusement entre deux villes fortifiées (Montemassi et Sassoforte), à deux pas d'un campement de bataille installé au pied d'une colline proche.

Dans l'alternance des forts et des vallées, le tableau a presque une allure de montagne russe, comme si da Fogliano était le seul élément stable d'un monde mouvant - un monde de rivalités entre les cités italiennes du début du Trecento où, comme le rappelle Jean-François Guillou, Sienne fit appel à Simone Martini, élève de Duccio, pour chanter sa gloire. Un contraste, très marqué, entre les beige terreux et orangés du sol et le bleu profond - un bleu de nuit - du ciel accentue de fait l'opposition entre la stature du chevalier "défilant comme à la parade", et l'instabilité du monde environnant. On y revoit la lumière si particulière de Sienne, celle des fins d'après-midi, quand le soleil commence de décliner doucement sur les hauteurs du plateau. Instabilité ou fragilité au vrai ? Car la parade de Guidoriccio figure une conquête annoncée, et c'est de fait par la force qu'il soumettra les deux cités toscanes.

Ce monde mouvant, pourtant, est aussi un monde étrangement déshumanisé. Le capitaine y "défile comme à la parade", mais il y défile seul. Tout alentour, ce ne sont que pics et bannières, pieux et palissades, toiles de campement et murailles de pierre. Au-delà d'une première impression d'animation rurale et de préparatifs de guerre, il n'y a, hormis Guidoriccio, pas âme qui vive dans ce décor. Héros seul, perdu dans un monde minéral, qu'il donne presque l'impression de survoler du fait d'un premier plan très agrandi et d'un angle des sabots comme décalé par rapport au sol.

Ce n'est pas Du Guesclin au combat, c'est presque Don Quichotte en campagne.

Une ancienne collaboratrice, quand j'étais jeune directeur de cabinet, m'en avait offert cette magnifique reproduction. Depuis lors, il n'est jamais très loin, comme une sorte de petite musique picturale. A défaut d'un sens très sûr, la vie y puise au moins une invitation au mouvement, entre l'appel de l'aventure et la vanité de la conquête, le fracas de la foule et une souveraine solitude - entre lesquels le tableau balance, sans commander de choisir.

15/01/2007

Retour vers le futur...

Dans un survol à l'emporte-pièce du paysage politique en conclusion d'une note récente, j'ai écrit que Sarkozy était "irrecevable" - et je sens qu'il me faut m'expliquer sur ce point, étant entendu qu'il n'a jamais été question, ni ici ni ailleurs, d'être le militant d'aucun parti à l'exception d'un engagement ponctuel à la fin des années 80 dans les cercles rocardiens, pour l'essentiel à l'extérieur du parti socialiste.

A vrai dire, rien ne m'horripile davantage que l'absence de liberté d'investigation et d'esprit critique dans ce domaine - je considère qu'il s'agit là d'un point fondamental de mon éducation - et c'est en quoi je me positionne davantage en ces matières, disons, comme un observateur actif que comme un militant politique. Compte tenu du temps et de l'énergie nécessaires à la conquête de l'électorat et au contrôle des appareils, quel temps laisse en effet les contraintes politiques à la fabrication des idées neuves, à la préparation du futur - et, aurait ajouté Rocard, au travail de fond sur les dossiers en ajoutant à ces contraintes celle, médiatique, de l'explication permanente sur tout ?

Il suffit d'avoir un peu côtoyé de l'intérieur le fonctionnement de la machine pour prendre la mesure de cette débauche d'énergie improductive, ainsi d'ailleurs que du parasitisme institué qui nous est servi en fait de sélection des cadres - sélection qui devrait pourtant être à tout parti ce que le recrutement est à l'entreprise : un acte majeur s'inscrivant dans la rencontre d'une vision et d'une ambition.

Ainsi donc intéressé par la politique de longue date (à peu près au même moment que j'ai décidé de faire Sciences-Po), comme débat intellectuel mais aussi comme sport de combat, j'ai pourtant été sensible en 2002-2003 à la capacité, unique dans le paysage politique, du ministre de l'intérieur à remettre en cause de vieilles évidences et à dessiner énergiquement de nouvelles pistes avec une liberté et un leadership incontestables, qui lui permettaient de casser les conventions établies, d'ailleurs aussi conservatrices de part et d'autre de l'arène.

Au passage, on ne peut être à cet égard que stupéfait, même en intégrant le calcul électoral vers la gauche anti-libérale (et la division du travail au sein du couple Royal), de voir la direction du parti socialiste ressortir ces jours-ci la question de la hausse de l'impôt : la bêtise en ces matières se double d'une inefficacité remarquable. Elle est aussi un sérieux motif d'inquiétude pour l'évolution de notre pays dans les prochaines années, sauf à se résoudre à cette sorte de spirale régressive ne visant fondamentalement qu'au partage de la pénurie dans une économie de la rareté - on y reviendra. Pour l'heure, passons.

Non, ce qui m'inquiète chez Sarkozy, c'est ce que le psychanalyste Jean-Pierre Friedman appelait l'autre jour sur France 5 "la focalisation" - cette disposition d'esprit, très puissante, quasi obsessionnelle, qui fait qu'un individu se donne un but unique dans la vie, et qui s'incarne en l'occurence chez lui par une soif de pouvoir démesurée au point qu'elle en devient une crispation pathologique - à l'évidence, profondément inquiétante pour le bon fonctionnement de la démocratie si on l'extrapole en termes de mainmise sur le pouvoir dans le système institutionnel qui est le nôtre (avec Debré comme "contre-pouvoir" à la tête du conseil constitutionnel ? quelle mauvaise farce !).

J'ai évoqué Sciences-po tout à l'heure, j'y reviens pour finir. Au fond, un idéal politique pratique à mes yeux serait de bâtir un projet qui soit au déblocage du pays ce que l'est la modernisation de l'IEP au projet éducatif : la capacité à jouer simultanément sur le front de la solidarité, à travers l'ouverture de pistes concrètes pour la jeunesse des quartiers défavorisés, et sur celle du renforcement de l'exigence internationale - et cela dans un même projet, cohérent, de renouvellement des élites et de rénovation de la donne politique et sociale.

Il y a là le concours d'une vision, d'une volonté et d'une compétence de gestion du changement ouverte à l'expérimentation. Mais là où Strauss-Khan me semblait pouvoir tenir les deux bouts de la chaîne d'un pacte social renouvelé, Sarkozy me paraît un chef de guerre civile.

09/01/2007

Taisez-vous, Elkabbach ! (sur la fin du journalisme de papa)

Ainsi donc, si l'on en croit Jean-Pierre Elkabbach dans une récente tribune du Monde (4/01/2007), l'internaute contemporain se perdrait dans l'hyperinformation, en s'enfermant dans sa propre solitude...

Surtout, peu à même de décrypter l'actualité, il génèrerait par ses productions, autant que par ses nouveaux réflexes d'information, une "cacophonie intolérable", une confusion nuisible à la démocratie. Bref, c'est à "un formidable bond en arrière" que nous assisterions aujourd'hui au détriment du journalisme classique - journalisme présumé seul capable de guider les citoyens dans les débats qui comptent, et qui devrait tout au plus selon le président d'Europe 1, se montrer un peu plus à l'écoute du temps à travers la blogosphère.

Quelle erreur de jugement... A moins qu'il ne s'agisse que d'une tentative désespérée de reprendre la main sur un mouvement de fond qui échappe à la plupart des grands medias actuels - à quelques exceptions il est vrai remarquables (voir en particulier Libération, Le Monde ou Les Echos) ? A l'inverse d'un Rupert Murdoch - une leçon anglo-saxonne de plus -, Jean-Pierre Elkabbach n'a manifestement pas bien pris la mesure de la réalité du web d'aujourd'hui, et propose aux citoyens internautes une sorte d'association qui, en masquant mal son incompréhension, sinon sa morgue, signe d'emblée ses limites.

Oui, les grands medias et les journalistes n'ont plus le monopole du tri : la poste, on confirme, c'est fini. Plus exactement, ceux qui ont su bâtir une expertise technique reconnue, ou qui sont capables de développer une analyse originale du monde comme il va n'ont guère de souci à se faire - on pense notamment aux grands experts sectoriels et aux éditorialistes reconnus (voyez, parmi bien d'autres, les commentateurs affûtés que sont Barbier, Le Boucher ou de Kerdrel). Leur place demeurera - et demeurera essentielle en effet à une démocratie éclairée, courageuse et vivante. Il va sans dire que les autres ont plus de souci à se faire face à cette nouvelle concurrence des contenus issus de la société civile.

Car le niveau d'éducation général monte dans nos sociétés et, à côté des difficultés considérables que rencontrent bien de nos concitoyens les plus modestes à s'insérer avec succès dans le système scolaire - voire, le fameux bondyblog.fr ouvre de nouveaux espaces au journalisme citoyen -, une parole éclairée par les savoirs spécialisés ou la diversité des expériences de terrain - enseignants, voyageurs, cadres d'entreprises, responsables associatifs - a bel et bien pleinement trouvé sa place dans la cité.

Prétexter des mauvais blogs pour décrédibiliser un mouvement intellectuel et social riche est un piètre procédé ; c'est un peu comme si l'on faisait le tour du kiosque le plus proche pour se faire une idée de la qualité de la presse actuelle dans notre pays : résultat garanti... Au demeurant, il en va des mauvais blogs comme de la mauvaise presse : la sélection fait généralement son oeuvre.

Et, contrairement à ce qu'énonce un point de vue manifestement dépassé par les événements, la blogosphère sait intégrer les régulations utiles... bien mieux que n'aurait pu le rêver la philosophie autogestionnaire des années 70. Oui, le web 2.0 dans ses meilleures réalisations, montre une capacité remarquable à s'autoéguler en s'appuyant sur ceux qui émergent en son sein comme des partenaires fiables, et auxquels se trouve ainsi délégué un rôle de modérateur qui, lui non plus, n'appartient plus en propre aux journalistes.

Cette émergence des savoirs s'accompagne de fait d'un progrès notable du sens critique des citoyens, dont les internautes, de ce point de vue, représentent plutôt un groupe pionnier, éclairé, réactif, capable de mobilisations fortes et efficaces, capable d'identifier, de commenter et de mettre en perspective très rapidement les contenus pertinents du point de vue de la société civile. Laissons donc la "sagesse des foules" aux auditeurs de la Une et d'Europe 1 réunis.

Là encore, disqualifier l'amateurisme de la blogosphère à travers l'utilisation que font certaines chaînes américaines de blogs de GI's constitue un raccourci grotesque... Qui donc a corrigé Dan Rather sur CBS News à propos du service militaire du président Bush ? Qui a protesté contre les propos d'Eason Jordan sur CNN ? Surtout, qui réintroduit dans le débat public des sujets oubliés par les medias traditionnels parce qu'ils ne sont pas vendeurs du point de vue du modèle économique de la presse installée, sous haute influence publicitaire ?

Il en va ainsi par exemple de l'intérêt d'un suivi continu, au sein de la blogosphère, des problématiques africaines (cf le Blog Africa d'Ethan Zuckerman) ou des développements de la citoyenneté en Chine à travers... l'émergence des blogs. Sur ces exemples positifs en plein essor - et tant d'autres expériences citoyennes de premier plan telles que Ohmynews en Corée ou Agoravox en Europe -, on consultera avec prodit le dernier ouvrage de Loïc Le Meur et Laurence Beauvais, "Blogs pour les pros".

On reprocherait également aux blogueurs de "ramasser" les contenus que d'autres ont bien voulu produire ailleurs... Mais quelle est au juste, là encore, la réalité de la presse institutionnelle d'aujourd'hui ? Comment fonctionne la boucle médiatique ? Selon quelles connivences souvent à peine voilées, quelles médiations mal assurées, quelle irrationalité stupéfiante parfois, quel modèle économique explicite ?

Quant au mythe de la gratuité, l'exemple spectaculaire des quotidiens gratuits parle de lui-même, Sylvain Attal a raison de le souligner (Le Monde du 6/01/2007). Un mouvement de fond est engagé, auquel en effet la publicité commence de s'adapter. Et la dissidence de Larry Sanger ne changera rien à l'expérience de référence de Wikipédia. Si les experts conservent leur place - et certes, nous avons plus que jamais besoin aussi de leurs éclairages, désaccords inclus (voir par exemple les récents débats scientifiques sur la question du réchauffement du climat) -, c'est désormais au milieu des interrogations et des témoignages portés avec vivacité par la "communication conversationnelle".

"Bienvenue, dit Ohmynews, dans le monde qui révolutionne la production, la distribution et la consommation de l'info. Dites bye-bye à la culture journalistique d'hier, celle du XXe siècle". On ne saurait mieux dire. Oui, la blogosphère est un "incroyable révélateur de notre époque", incontestablement marquée qu'elle est par "une prise de parole plus libre et moins codée". Nous vivons une nouvelle ère de la production des contenus comparable à l'invention de l'imprimerie. A travers la montée d'une concurrence stimulante, cette nouvelle ère signale la fin du journalisme de papa - un journalisme moribond, qui a au moins désormais trouvé son porte-parole, dont les accents sont au journalisme d'aujourd'hui à peu près ce qu'est la voix de Gaulle à la modernité du débat public. Ou, pour être tout à fait clair, Jurassik Park à la nouvelle vague.

06/01/2007

Mon émission préférée (2) Et les lettres

"La pensée unique, c'est l'image unique" (un petit commerçant); "Il y en a marre de s'excuser d'être Français (...) La France, aimez-la ou quittez-la" (Nicolas Sarkozy) ; "Finie l'époque du négro musclé, belles dents, Sarkozy il veut du noir, diplômé, intelligent" (Zêdess) ; "Nous assistons aux Etats-Unis à un glissement vers la tyrannie (...) c'est une période au cours de laquelle les gens sont dominés par la peur" (Pr. Guttierez) ; "Il faut créer des lieux d'encadrement à dimension militaire" (Ségolène Royal) ; "Une équipe, elle a besoin d'être soutenue, d'être encouragée pour donner le meilleur d'elle-même" (Dominique de Villepin) ; "Je voudrais juste dire à ma maman que je l'aime" (Zinédine Zidane) ; "Quitte ne saute pas n'est pas Français" (des supporters) ; "A quelle lettre de l'alphabet associe-t-on la zone la plus érogène de la femme ? - Le Q ? -Non Adriano, le G" (Laurence Boccolini)...

"Nous sommes au beau milieu d'une épidémie de cancers" (The Corporation) ; "le Portugal méritait de gagner, l'arbitre a été acheté" (un supporter) ; " Alors, la devise de l'équipe c'est on vit ensemble, on meurt ensemble ? - Oui. Mais avant je pouvais mourir tout seul" (Raymond Domenech) ; "Ooh, Zinedine, ooh Zinedine, oooh non, pas ça, pas aujourd'hui, pas maintenant" (Thierry Gilardi) ; "Tu es le fils d'une pute terroriste, ta soeur est une pute, va te faire enculer" (propos présumés de Materazzi d'après des experts britanniques) ; "Il y a un faisceau de présomptions graves" (Nicolas Hulot) ; "Mieux vaut mourir qu'être pauvre toute sa vie" (un réfugié sénagalais en Italie) ; "On fait du nettoyage de fichiers (...) On nous dit : lui, il dégage" (une employée de l'ANPE)...

"On se croirait dans un épisode de la série 24h00 chrono" (un citoyen britannique après le coup de filet de Scotland Yard avant une tentative d'attentat à Londres) ; "Si je prenais sur moi le choc de cette défaite (...), alors peut-être vos chances en étaient augmentées pour la bataille des législatives, et non pas affaiblies" (Lionel Jospin) ; "J'ai été frappé par des relations humaines marquées par une quasi absence d'agressivité dans la société canadienne" (Alain Juppé) ; "Les banlieusards, c'est des clowns" (Doc Gyneco) ; "La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est : mon Dieu, le cours de l'or va exploser" (un courrier de Wall Street après l'attentat du 11 septembre)...

"Nous attendons de la télévision des révélations de la plus haute portée" (Jean XXIII) ; "Je ne veux plus qu'on mange du cheval" (Brigitte Bardot) ; "Nous sommes un pays menacé de guerre civile (Jean-Marie Lepen) ; "La bite des noirs est responsable de la famine en Afrique (...) Il faudrait stériliser la moitié de la planète" (Pascal Sevran) ; "Dans cette équipe, il y a 9 blacks sur 11" (Georges Frêche) ; "J'ai su au Rwanda pourquoi les Juifs étaient morts, pourquoi nous n'avons pas détruit les voies ferrées " (Bernard Kouchner)...

"On se croirait revenu au temps du Far West, on a peur d'aller faire les courses" (une habitante d'une cité) ; "Les Tarterêts aujourd'hui, c'est l'équivalent de la Vallée des Aurès en 57" (Christophe Barbier) ; "Vive le peuple, vive la nation, à bas les traîtres, à bas les envahisseurs" (Saddam Hussein au moment de l'annonce de son verdict) ; "Un leader, ça doit considérer qu'il ne sait pas tout tout seul" (Ségolène Royal) ; "Pour la première fois, un pape prie avec un imam dans une mosquée en direction de la Mecque" (commentaire off); "Tu meurs et après, tu te rends compte, tu peux voir Jésus, tu peux voir Dieu" (un jeune catholique)...

"Dogstep, le premier escalier qui permette à votre chien d'être plus proche de vous" (une publicité) ; "le bout de pain n'a pas suffi au pélican, qui a dévoré un pigeon qui passait à côté dans le parc" (un journaliste) ; "Dieu peut détruire Jerusalem comme il a détruit Sodome et Gomorrhe" (un rabbin à la Knesset contre la Gay Pride) ; " Je suis venu ici parce qu'ici, c'est la France, la vraie France (...) La France dont on ne parle jamais parce qu'elle ne se plaint pas" (Nicolas Sarkozy) ; "Maman, je t'aime" (2) (Zinedine Zidane). "Cela vous est arrivé d'avoir envie de donner des coups de boule (PPDA) ? - Je m'efforce de me retenir" (Jacques Chirac).


Mon émission préférée, ce n'est pas L'île de la tentation, Vivement Dimanche, En quête de vérité, On n'est pas couchés ou En voilà des manières ! Ce n'est pas non plus Attention à la marche, Le droit de savoir ou Vismavie. Ni A vous de juger, les Questions au gouvernement, Mots croisés, Vie privée vie publique, Die Nacht ou Cultures et dépendances. Ce n'est pas le Mensomadaire, 93 faubourg Saint-Honoré, T'empêches tout le monde de dormir, Strip tease, 100 % foot, Les Z'amours ou Taratata.

Pas davantage Envoyé spécial, C'dans l'air, C'est du propre, Koh-lanta, Super nanny, L'arène de France, Questions pour un champion, télé foot, Il faut que ça change, Dimanche + ou Star Academy. Ce n'est toujours pas A prendre ou à laisser, Combien ça coûte ?, Zone interdite, Chanter la vie, SOS cambriolages, France Europe Express ou Relooking extrêmes. J'aimais assez Ripostes. Je regarde toujours, à l'occasion, En aparté ou Arrêt sur images. Et je ne me remets toujours pas de l'arrêt de La minute blonde.

Spinoza : "En ce qui concerne les affaires humaines, ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas s'émouvoir, mais comprendre". Mon émission préférée, c'est les chiffres et les lettres. Version Zapping.