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21/01/2013

(4) L'exploration de soi et le visage d'autrui (sur le courage)

Chiara grandit vite et je note déjà, désarçonné et ravi, sa capacité à me défier tantôt avec aplomb et tantôt avec ruse (quand ce n'est pas avec un sens consommé du charme) du haut de ses trois ans. C'est le bon moment pour reprendre ces chroniques sur les valeurs qui me semblent devoir inspirer son éducation. Hier encore, elle était un bébé. Puis, elle est devenue "una bambina", comme aurait dit son arrière grand-mère, Luigia De Chiara. Elle est une petite fille dont on sent déjà parfois, j'exagère à peine, une inspiration pré-ado. Décidément, le temps presse.


Plus que d'autres, le courage apparaît comme une valeur à la fois magique et contestable. Magique parce que son origine psychologique, ce qui le fait advenir, paraît relativement mystérieux ; il semble dès lors difficile à transmettre sur une base qui serait ainsi plus de tempérament que d'éducation. Contestable parce que son éloge expose au double risque de la fanfaronnade et de la bêtise. 

Miyamoto et Brassens

Point de courage authentique qui ne soit guidé par la tempérance - qui regarde le kamikaze comme un héros ? - mais aussi par la cohérence : on est ou l'on n'est pas courageux à l'intérieur d'un système de valeurs donné. Miyamoto et Brassens ont sur le sujet des vues sensiblement divergentes, ce qui souligne bien que le courage n'est peut-être qu'une vertu essentiellement individuelle qui se définirait d'abord comme un écart. Si le code social qui m'environne requiert le "courage" de chacun de ses membres, comment faire une différence entre eux sur la base de ce critère ?

Les éducations produisent parfois là-dessus le contraire de ce qu'elles visent. J'ai reçu de mon père une éducation empreinte de tempérance et d'autorité (il y avait plus de passion, et aussi plus de désordre créatif, chez ma mère) et j'ai passé une bonne partie de mon adolescence à en prendre le contre-pied. Etait-ce du courage ? Il s'agissait plutôt d'une quête d'intensité dans laquelle se mêlaient la recherche et la contestation et qui fut, bien sûr, souvent plus proche de l'inconscience que de la générosité (ne disqualifions pas pour autant les élans de l'adolescence : ils portent quelque chose de fondamental que l'on n'oublie pour de bon qu'à des dépens).

Cela pose un double problème. Le courage n'est d'abord courage que pour l'observateur - un observateur qui ne serait point trop avisé. L'acteur, lui, sait bien au fond qu'il agit ainsi sans même se poser la question de son acte : il est aussi naturel pour lui d'y aller que pour un autre de rester en retrait. Ce qui fait ensuite une différence significative entre le courage et l'inconscience, c'est, aurait dit Levinas, "le visage d'autrui", autrement dit, non l'exploration mais le don de soi.

C'est en un sens différent que le courage prend une valeur plus collective. Il désigne alors le labeur et la tension, la capacité de travail, le sens de la mobilisation, l'aptitude à l'effort. Il n'est jamais très éloigné en ce sens de la discipline et de la rigueur - voyez le procès que font aujourd'hui en Europe les pays nordiques à leurs voisins latins. Et c'est parce que l'esprit individualiste et critique triomphe chez nous qu'il nous est si difficile d'élever un peu le niveau de discipline collective : chacun aurait l'impression d'y perdre son âme et, pour tout dire, un peu de sa souveraineté (*).

Le courage et l'engagement

Initier au courage passe donc par la transmission d'une sorte de sens civique qui ferait de l'effort individuel un peu plus qu'un effort : une contribution. C'est ce qui relie le courage à l'engagement défini comme une implication persévérante dans une action de progrès. Plus exactement, l'engagement donne alors au courage une dimension plus personnelle qui ne se laisserait pas réduire à une injonction mais relèverait au contraire de l'appropriation individuelle d'une cause de portée plus collective (la lutte contre le cancer, la sauvegarde des baleines, la promotion de l'art, l'inscription des vins de Bourgogne au patrimoine de l'humanité, etc).

Au fond, ce qui traduit le courage dans sa dimension la plus intéressante, c'est la capacité de remise en cause. Capacité de remise en cause individuelle, lorsqu'un choix se révèle mauvais ou dépassé et conduit à réinventer sa vie. Mais, plus encore, capacité de remise en cause collective lorsqu'il s'agit, seul face au groupe, de s'opposer à une décision, de faire triompher la lucidité sur le confort, la délibération sur la convention, la capacité de réfléchir sur le réflexe de suivre.

En ce sens, le courage est l'ultime frontière d'une liberté à laquelle il donne sa consistance et son poids. Il est aussi indissociable d'une forme de leadership et de solitude - voyez là-dessus de Gaulle ou Bayrou, Deniau ou Rocard qui, tous, ont su affronter leur camp. Valeur frontière, toute de dissidence et d'écart, le courage fait finalement apparaître l'ambivalence de toute valeur éducative en tant qu'elle vise à la fois la discipline et la liberté, le rattachement au groupe et l'expression de soi, la socialisation et la singularité. Plus qu'aux vanités d'une geste, le courage répond à la nécessité d'une trace.

Il y a, en ce sens, une vérité plus profonde qu'il n'y paraît tout d'abord de la personne courageuse qui intervient au beau milieu d'une altercation dangereuse (ou d'une cause perdue) : c'est qu'elle y risque sa peau ou, pour dire les choses autrement, qu'elle y joue une vie qui, sans cette tentative, serait privée de sens. Ce qui n'est pas une raison, soit dit en passant, pour faire n'importe quoi - même si j'aime chez toi, ma fille, cette sorte de sagesse qu'ont justement les filles lorsqu'elles explorent le monde. Ce n'est pas seulement que ça me rassure, c'est aussi, je crois, que ça tient la route, à l'instar de celle que se frayent encore les navigateurs, dans les mers du Pacifique Sud, entre l'horizon et les récifs, en suivant leur étoile.

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(*) Seul le sport me semble avoir donné quelques leçons de portée réelle dans ce domaine au cours des quinze dernières années. Peu importe ici que l'on prenne plaisir ou non à regarder un match de foot ou de handball. Le fait est que ces deux disciplines collectives se sont distinguées dans cette période par leur capacité à décrocher un ou plusieurs titres mondiaux majeurs. Ce que je note simultanément avec intérêt, c'est que, avec Canto dans un cas et Richardson dans l'autre, il a fallu y sacrifier deux génies du jeu. 

06/01/2007

Mon émission préférée (2) Et les lettres

"La pensée unique, c'est l'image unique" (un petit commerçant); "Il y en a marre de s'excuser d'être Français (...) La France, aimez-la ou quittez-la" (Nicolas Sarkozy) ; "Finie l'époque du négro musclé, belles dents, Sarkozy il veut du noir, diplômé, intelligent" (Zêdess) ; "Nous assistons aux Etats-Unis à un glissement vers la tyrannie (...) c'est une période au cours de laquelle les gens sont dominés par la peur" (Pr. Guttierez) ; "Il faut créer des lieux d'encadrement à dimension militaire" (Ségolène Royal) ; "Une équipe, elle a besoin d'être soutenue, d'être encouragée pour donner le meilleur d'elle-même" (Dominique de Villepin) ; "Je voudrais juste dire à ma maman que je l'aime" (Zinédine Zidane) ; "Quitte ne saute pas n'est pas Français" (des supporters) ; "A quelle lettre de l'alphabet associe-t-on la zone la plus érogène de la femme ? - Le Q ? -Non Adriano, le G" (Laurence Boccolini)...

"Nous sommes au beau milieu d'une épidémie de cancers" (The Corporation) ; "le Portugal méritait de gagner, l'arbitre a été acheté" (un supporter) ; " Alors, la devise de l'équipe c'est on vit ensemble, on meurt ensemble ? - Oui. Mais avant je pouvais mourir tout seul" (Raymond Domenech) ; "Ooh, Zinedine, ooh Zinedine, oooh non, pas ça, pas aujourd'hui, pas maintenant" (Thierry Gilardi) ; "Tu es le fils d'une pute terroriste, ta soeur est une pute, va te faire enculer" (propos présumés de Materazzi d'après des experts britanniques) ; "Il y a un faisceau de présomptions graves" (Nicolas Hulot) ; "Mieux vaut mourir qu'être pauvre toute sa vie" (un réfugié sénagalais en Italie) ; "On fait du nettoyage de fichiers (...) On nous dit : lui, il dégage" (une employée de l'ANPE)...

"On se croirait dans un épisode de la série 24h00 chrono" (un citoyen britannique après le coup de filet de Scotland Yard avant une tentative d'attentat à Londres) ; "Si je prenais sur moi le choc de cette défaite (...), alors peut-être vos chances en étaient augmentées pour la bataille des législatives, et non pas affaiblies" (Lionel Jospin) ; "J'ai été frappé par des relations humaines marquées par une quasi absence d'agressivité dans la société canadienne" (Alain Juppé) ; "Les banlieusards, c'est des clowns" (Doc Gyneco) ; "La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est : mon Dieu, le cours de l'or va exploser" (un courrier de Wall Street après l'attentat du 11 septembre)...

"Nous attendons de la télévision des révélations de la plus haute portée" (Jean XXIII) ; "Je ne veux plus qu'on mange du cheval" (Brigitte Bardot) ; "Nous sommes un pays menacé de guerre civile (Jean-Marie Lepen) ; "La bite des noirs est responsable de la famine en Afrique (...) Il faudrait stériliser la moitié de la planète" (Pascal Sevran) ; "Dans cette équipe, il y a 9 blacks sur 11" (Georges Frêche) ; "J'ai su au Rwanda pourquoi les Juifs étaient morts, pourquoi nous n'avons pas détruit les voies ferrées " (Bernard Kouchner)...

"On se croirait revenu au temps du Far West, on a peur d'aller faire les courses" (une habitante d'une cité) ; "Les Tarterêts aujourd'hui, c'est l'équivalent de la Vallée des Aurès en 57" (Christophe Barbier) ; "Vive le peuple, vive la nation, à bas les traîtres, à bas les envahisseurs" (Saddam Hussein au moment de l'annonce de son verdict) ; "Un leader, ça doit considérer qu'il ne sait pas tout tout seul" (Ségolène Royal) ; "Pour la première fois, un pape prie avec un imam dans une mosquée en direction de la Mecque" (commentaire off); "Tu meurs et après, tu te rends compte, tu peux voir Jésus, tu peux voir Dieu" (un jeune catholique)...

"Dogstep, le premier escalier qui permette à votre chien d'être plus proche de vous" (une publicité) ; "le bout de pain n'a pas suffi au pélican, qui a dévoré un pigeon qui passait à côté dans le parc" (un journaliste) ; "Dieu peut détruire Jerusalem comme il a détruit Sodome et Gomorrhe" (un rabbin à la Knesset contre la Gay Pride) ; " Je suis venu ici parce qu'ici, c'est la France, la vraie France (...) La France dont on ne parle jamais parce qu'elle ne se plaint pas" (Nicolas Sarkozy) ; "Maman, je t'aime" (2) (Zinedine Zidane). "Cela vous est arrivé d'avoir envie de donner des coups de boule (PPDA) ? - Je m'efforce de me retenir" (Jacques Chirac).


Mon émission préférée, ce n'est pas L'île de la tentation, Vivement Dimanche, En quête de vérité, On n'est pas couchés ou En voilà des manières ! Ce n'est pas non plus Attention à la marche, Le droit de savoir ou Vismavie. Ni A vous de juger, les Questions au gouvernement, Mots croisés, Vie privée vie publique, Die Nacht ou Cultures et dépendances. Ce n'est pas le Mensomadaire, 93 faubourg Saint-Honoré, T'empêches tout le monde de dormir, Strip tease, 100 % foot, Les Z'amours ou Taratata.

Pas davantage Envoyé spécial, C'dans l'air, C'est du propre, Koh-lanta, Super nanny, L'arène de France, Questions pour un champion, télé foot, Il faut que ça change, Dimanche + ou Star Academy. Ce n'est toujours pas A prendre ou à laisser, Combien ça coûte ?, Zone interdite, Chanter la vie, SOS cambriolages, France Europe Express ou Relooking extrêmes. J'aimais assez Ripostes. Je regarde toujours, à l'occasion, En aparté ou Arrêt sur images. Et je ne me remets toujours pas de l'arrêt de La minute blonde.

Spinoza : "En ce qui concerne les affaires humaines, ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas s'émouvoir, mais comprendre". Mon émission préférée, c'est les chiffres et les lettres. Version Zapping.