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10/07/2007

Retour de Chicago (Jour 4) En descendant Old Town

Démarrer la journée à l'Argo Tea, à l'angle de Rush et Randolph, en parcourant le Chicago Tribune. Slalomer à travers le Loop en remontant vers le Nord. Savourer l'alternance des trottoirs ombragés et des grandes trouées de soleil qui, du Lac, transpercent la ville à chaque coin de block jusqu'aux faubours de l'Ouest. A hauteur de Marina City - deux immeubles jumeaux sur trois parties : une marina, un parking apparent, puis les étages d'habitation -, bifurquer vers l'Est en remontant la Chicago River, puis s'engouffrer dans Michigan Avenue.

Au pied du siège de la Tribune (comme du Waker Drive, du Hilton ou de la Sears Tower), lever les yeux au droit des murs qui s'élèvent vers le ciel ; le premier building au monde est réputé avoir été construit ici après le Grand Incendie de 1871 (le Home Insurance Building par William Le Baron Jenney) et, depuis lors, la ville fait office de laboraroire architectural. Multiplier les angles impossibles. Joindre aux quatre coins de l'objectif l'extrêmité des toits dans un même cliché. Puis, photographier le ciel.

Faire quelques emplettes chez Nokia - la boutique, au design très épuré de bleu ciel intenses et de gris sombres, se clôt d'une petite salle de présentation intimiste inspirée des grandes bijouteries -, jeter un oeil chez Eres et Gap. S'apercevoir que le musée de la photographie contemporaine était sur South et non sur North Michigan Avenue. Dériver vers Streeterville et rentrer au Museum of Contemporay Art par le jardin ombragé et la terrasse, qui donnent sur le Lac.

Jeter un oeil, sans conviction, sur l'expo "Escultura Social", d'une nouvelle génération d'artistes mexicains ; un autre, plus intéressé, sur le travail de Jana Gunstheimer, "Status L Phenomenon" - une approche originale, multimedia, de la désolation post-industrielle, qui associe l'engagement social et l'inventivité. Se dire que cet esprit ludique qui, malgré tout ici, manque un peu d'humour, fait le meilleur de l'art moderne.

Se retrouver dans le hall et se laisser glisser vers le square, aux allures d'un parc des faubourgs. Redescendre vers Navy Pier en coupant par Olive Park. Louer des vélos et remonter vers North Side par la côte, le long du Lakerfront Trail en surfant, au soleil, sur la piste. Dépasser Oak Street Beach en regardant, au passage, les parties de beach volley. Penser : "On dirait Sydney". Pousser jusqu'à Lincoln Park. Là, redescendre lentement le long des allées cossues et ombragées d'Old Town. Déambuler sur Oak Street, l'avenue Montaigne de la ville.

Un peu plus haut, avaler un hamburger Angus et un club sandwich sur une terrasse de Rush Street. Se laisser happer par une conversation de voisinage, sympathique mais banale, avec un type du Connecticut, accompagné de son beau-frère (on dirait, lui, qu'il monte toujours la garde à Fort Wayne) qui tient à nous faire part de son amour de la France. Un peu plus tard, sur Randoplh, entre la marina et les parcs, sentir la ville commencer à vibrer des préparatifs d'Independance Day.

Faire un aller-retour rapide en cab à l'hôtel. Revenir se nicher sur Westshore pour participer à l'attente trépidante et bon enfant des réjouissances. Trinquer d'un cabernet-sauvignon de Mondavi, avant les hot dogs. Se prélasser sur l'herbe en attendant que ça pète. Regarder alentour : des adolescents seuls au monde, les équipées familiales, un club californien en goguette, les filles qui se trémoussent sur les bateaux au son des raves, les barbecues improvisés, le ballet continuel des passants en contrebas... Une gigantesque family party à ciel ouvert.

Plus tard, redescendre par Millenium, sous une pluie battante. En repensant au livre de Mauvignier, rester à distance de la foule qui s'amasse, dense et massive, sur les transversales de Grant Park. Hâter le pas entre la police montée qui parade, un dernier air de rock sur Wildflower Works et les longues files d'attente devant les stations de métro sur Wabash Avenue. Marcher sous la pluie au beau milieu d'Adam Street. S'engouffrer dans l'hôtel. Redescendre plus tard prendre l'air entre les éclairs et les trombes d'eau qui s'abattent sur la ville.

Au matin, prendre la Kennedy Expressway et filer vers la 90 en traversant les faubourgs industrieux du Sud-ouest. Capter un air de blues à la radio, prendre un rythme de croisière. Garder en soi quelque chose de la vibration de la ville.

09/07/2007

Retour de Chicago (Jour 3) Le bonheur est dans la représentation

Remonter Adam Street jusqu'à Michigan Avenue, plein Est. Prendre un breakfast à la terrasse ensoleillée qui fait l'angle, à la Corner Bakery ; y désespérer des croissants "français". Traverser la rue et pénétrer dans le hall de l'Art Institute. Se sentir inspiré par le lieu, faire une demande de membership.

Au sous-sol, déambuler devant les clichés d'Ezawa - des figures de western remixées -et d'Angela Strassheim, saisies millimétriques d'un intérieur d'une famille "new born", son austérité adulte et ses malices enfantines. Pousser jusqu'à la série The Earth As It Was (Adams, Porter & Clift), une sorte de déclinaison du travail d'Artus Bertrand concentrée sur l'Amérique du Nord.

Plus loin, s'attarder sur les clichés de Jeff Wall, un artiste de Vancouver ; son double travestissement des grandes représentations (The Destroyed Room vs la mort de Sardanapale, The Storyteller et Le déjeuner sur l'herbe...) et du pittoresque de scènes de genre plus ou moins dramatisées (rencontre, colère, méditation, arrestation ; une étonnante embuscade reconstituée de façon grotesque, au sens hugolien, sur fond de guerre en Afghanistan, etc).

Pester de la pauvreté du département Design et Architecture, tout de même rattrapée par la belle bibliothèque dédiée du premier étage : grandes tables de bois sombre, petites lampes vertes, longs rayonnages de livres et de plans, colonnades et statues surmontées d'une verrière d'un jaune très pâle agrégeant des rosaces de toutes tailles. Songer soudain que le temple de l'architecture commence là, derrière les murs, au coeur de la ville, en sortant du musée.

Passer vite à l'étage sur les galeries américaines anciennes : il y a un temps pour l'anthropologie et un temps pour la représentation (ah ! le pittoresque des scènes pastorales ; là-dessus, l'Ecole de Cincinatti a plus de puissance). Passer plus de temps, en revanche, sur quelques oeuvres contemporaines emblématiques, classiques (American Gothic de Grant Wood ; le Nighthawks de Hopper, prêté à Boston, ne fait l'objet que d'un marquage) ou moins connues (American Collectors de David Hockney) ; les oeuvres de Lichtenstein et Rauschenberg sont un peu décevantes.

Achever la visite d'un panoramique sur une large collection impressionniste, qui comprend notamment la série des nénuphars de Monet, et post-impressionniste (Les deux philosophes de Miro, les Picasso inévitables qui font glousser nos voisins américains). Découvrir un portrait inattendu, épuré, dur mais juste de Baudelaire par Duchamp-Villon, un étonnant Braque (Paysage à La Ciotat), un bon Chagall (une Naissance, de 1911). Se réjouir d'un terrible portrait de Supervielle par Dubuffet. Et puis - comme toujours mais toujours surpris -, rester médusé par l'évidence sensuelle de Bonnard (Earthly Paradise, 1916-20) qui fait de la peinture, plus qu' una cosa mentale, un art nécessaire à la vie.

Sortir trop tard pour déjeuner au musée. Replonger dowtown, vers Van Buren et State Street, attraper un sandwich à la volée. Puis reprendre la voiture, traverser la Chicago River au sud de Goose Island et remonter par Near West Side et Ukrainian Village vers Bucktown - un quartier aux allures de Soho. Y musarder entre boutiques branchées, bars inondés de soleil et allées ombragées. Jeter un oeil, devant une Samuel Adams, sur le match des Cubs, depuis une terrasse.

Redescendre par Damen. Dîner en route chez Mia Francesca, sur Lakeview, d'un pollo arrosto et d'un carpaccio maison. Pause cocktail dans le lobby du "W", le temps de s'imprégner de l'ambiance doucement décadente du lieu.

08/07/2007

Retour de Chicago (Jour 2) Se souvenir des gansters sur un air de blues

Le lendemain, à partir de Michigan Avenue, dériver dans la ville en montant et en descendant librement du trolley, au fil de l'inspiration. Au Museum Campus, prendre un point de vue oblique sur le Loop face au mur des buildings qui se dressent au devant du lac (repenser aux atterrissages sur Chicago O'Hare pour les escales qui, chaque fois, font surgir au dernier moment ces menhirs impeccables). En remontant vers le Nord, s'immerger dans l'ambiance bon enfant, quoiqu'un peu trop commerciale, de Navy Pier, au pied d'une grand-roue rouge et blanche qu'on dirait sortie d'un film catastrophe hollywoodien.

Revenir vers le centre par Illinois Street. Flâner dans les galeries du River East Art Center entre Ogilvie et Laura D. Se laisser séduire par les grandes acryliques bicolores de Guttierez ; s'interroger devant "Silent Rain" sur le détail qui fait la différence entre une toile de salon et une peinture de survie. Acheter le déjeuner en passant chez Fox & Obel - une grande épicerie ethnique très en vogue - et pique-niquer au soleil, un peu plus bas, sur le bassin de la Chicago River. Y commencer une sieste à l'ombre d'un platane ; sursauter quelques instants plus tard au vrombissement puissant d'un hors-bord s'en allant surfer sur le lac.

Remonter le "Magnificent Mile" sur Nord Michigan Avenue, entre boutiques de luxe, stores bon marché et exposition de créateur en plein air. En passant chez Apple, rejoindre le clan des groupies de l'I-phone et explorer l'objet comme on le ferait, enfant, d'une baguette magique. Autour de la table de présentation, entre une Japonaise et un Chicagoan, comprendre que dans communication, il y a communion.

Au bout de l'avenue, attraper au passage une lemondade et un smoothie. Reprendre le trolley et redescendre, à toit ouvert, le nez au vent, par Wacker Drive et Clark Street, jadis le quartier général des gangsters (le procès de Frank Calabrese vient d'ailleurs de démarrer à Chicago : Calabrese n'est pas Capone, mais il fait tout de même un client sérieux). Repenser par association d'idées à la scène du landau dans la gare dans The Untouchables en regagnant l'hôtel par le quartier des théâtres.

Le soir venu, aller dîner chez Maggiano, Little Italy, à l'angle de Clark et Grand Street. Patienter au bar à l'invitation du vieux maître des cérémonies, entre un Pinot grigio et les vieilles photos de famille, de raouts sportifs et de rassemblements amicaux. Se dire, en restant impassible, que quelques bandits ont dû en effet passer par là. Dîner d'une assiette d'antipasti, de rigatoni "D" et d'une pasta alle vongole ; terminer d'un lemoncelo maison.

Au retour, faire halte au Blue Chicago - l'une des façades du club, celle qui donne sur le sud, est couverte d'une peinture de John Carrol Doyle, elle représente un vieux bluesman african-american à la guitare. Entrer dans le concert de Sarah Johnson Blues Band en sirotant une margarita et en se laissant bercer par les gémissements du saxo. Plus tard, fendre l'assemblée massée vers le bar tout en longueur, retenir au passage un ou deux spectateurs ivres. Regagner l'hôtel en déambulant, heureux, à la fraîche, en coupant le Loop à la verticale.

07/07/2007

Retour de Chicago (Jour 1) Eloge du communautarisme ordinaire

Prendre l'I-70W direction Dayton. Peu avant Indianapolis, quitter l'autoroute et prendre la tangente vers l'intérieur par la 37 North vers Marion, puis Converse sur la 18e. Faire une halte hamburger au pub de Converse entre deux piliers de bar et un groupe de bikers en Harley. Puis, traverser l'Indiana avec la Jeep au rythme des vastes étendues de la Corn Belt. Retrouver l'autoroute par la 31 vers le Nord, puis la 30 vers Valparaiso. Attaquer Chicago par le Sud, contourner la cité d'un vaste mouvement vers l'Ouest, puis repiquer au centre par le Loop.

Arrivé downtown, laisser là voiture et bagages, se poser. Savourer la fraîcheur hype du "W" sur West Adams Street. Remonter la rue vers Millenium Park, face au Lac Michigan. Suivre, sur le bord de la marina, le ballet des voiliers et des bateaux à moteur qui se croisent face à South Lake Shore. Causer là avec un vieux capitaine de marine à la retraite. Se perdre ensuite dans la densité de la foule black et latino de l'immense fête estivale qui prend en écharpe Millenium et Grant Park, jusqu'à Hutchinson Field.

Prendre le pouls de la ville en s'abandonnant à ce communautarisme jeune et vibrant (se souvenir là-dessus des débats enflammés avec la prof de socio, qui venait de Chicago, voir maintenant le sujet, non à travers les réflexes impensés de l'idéologie républicaine, mais avec l'évidence d'une réalité vivante). Se prendre à essayer d'identifier un type "chicagoan" blanc - visage oblong, front haut, taille moyenne, et puis un accent au déroulé qui sonne clair.

Sentir comme les jeunes afro-américaines - dont certaines, peau mate, yeux verts, ont une beauté très sharp - électrisent la foule et draînent ses mouvements. Goûter au Pad Thai et aux autres spécialités ethniques des cabanes prises d'assaut. Au retour, rentrer dans la danse d'un concert de jazz improvisé sur West Jackson Street - un duo emmêlé de clarinette et de trompette, des percussions endiablées, les pas de danse ludiques des passantes échauffées.

Commencer de sentir aussi l'énergie déterminée et paisible qui se dégage de la ville - une cité opulente, mais à l'élégance massive et sobre, à la fois ancrée dans la terre et dressée vers le ciel ; sa force de grande mégapole, comme un centre de gravité de l'ensemble de l'Amérique du Nord, qui trouve son centre en elle-même, au bord de sa mer intérieure, à la frontière entre les Grandes Plaines centrales et les montagnes de l'Ouest, le Grand Nord canadien et les confins du Kansas, par une sorte d'aimantation concentrique.