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17/12/2006

What France needs (un déjeuner de gauchistes au Press Club)

Décidément, pour les Britanniques, la France n'a pas son pareil pour inventer des mots intraduisibles : après "ultra libéralisme", voici le nouveau venu, le "déclinisme" et ses "déclinologues" associés que Jean-Pierre Raffarin, on s'en souvient, avait, bien en vain, tenté de discréditer par sa "positive attitude" (grotesque de la politique, et de la communication, lorsqu'elles ne sont pas assises sur un projet).

Chef du bureau de The Economist à Paris, Sophie Pedder précise d'entrée de jeu que ce n'est pas elle qui a placardé Margaret Thatcher sur le drapeau tricolore de la couverture de son magazine, début novembre, sur le sujet. Mais elle n'en pense pas moins. Pour elle, la situation de la France des années 2006 s'apparente à celle qu'a connu la Grande-Bretagne de la fin des années 70 : un pays bloqué, verrouillé, structurellement incapable de se réformer. Dérapage des finances publiques, niveau critique de l'endettement, un chômage de masse (10% environ, mais 20% des plus jeunes) et un marché du travail profondément clivé entre insiders et outsiders, une élite bien peu représentative de la diversité du pays, des banlieues qui explosent : la faillite du "président le plus impopulaire" de la Ve République est sans appel.

La France n'est pourtant pas sans atouts. Une population active parmi les plus productives au monde (on y travaille environ 1500 heures par an contre 1800 aux Etats-Unis, mais la productivité horaire y est très performante), de grands groupes florissants, habiles à saisir les opportunités de la mondialisation, une démographie plus dynamique que ses voisins, des décideurs publics de qualité, des grandes écoles qui occupent un rang honorable sur le marché international de la formation de haut niveau, bref, la France est un pays de contradictions, bloqué par ses contradictions. Seuls les petits pays homogènes (irlande, Pays-Bas, Danemark...) seraient réformables ? Mais qu'ont fait l'Espagne et le Canada avec leur économie et leurs finances publiques ? s'interroge The Economist, qui conclut d'un trait : "It's a matter of leadership". En renvoyant à la prochaine présidentielle. Une élection qui, entre le positionnement ambigu de Ségolène Royal et l'interventionnisme bien peu "libéral" de Nicolas Sarkozy, laisse pourtant Sophie Pedder bien perplexe.

Christine Fontanet, qui fut en charge de la communication d'Alain Juppé lorsque celui-ci tenta de réformer les retraites (un déjeuner de gauchistes, en somme) rappelle que les réformes entreprises au Royaume Uni dans les années 80 n'ont été rendues possibles que par une communication en profondeur, pendant deux ans, à travers tout un réseau de comités locaux avant de lancer les réformes elles-mêmes. Comme disent les spécialistes d'IECI, un cabinet de vieux routiers malins, "c'est la démarche qui construit l'objectif". Chez nous, ça se passe encore un peu trop à la télé et pas assez sur le terrain pour créer une réelle dynamique réformatrice. Rocard parti depuis belle lurette, DSK balayé, Sarko irrecevable, Bayrou improbable - bref, la voie royale vers l'aventure. Je reste pourtant persuadé que Ségolène peut déverrouiller le système, contre son camp.

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