21/09/2008
Un été américain (4) Retour à Washington DC
Parce que ce fut le lieu, il y a bientot un an, d'une mission d'expertise passionnante sur les questions politiques et de communication (voir oliveretcompagnie, rubrique Institut Montaigne), je retrouve ces jours-ci avec grand plaisir Washington DC - y compris son cote residentiel et provincial qui, du cote de Georgetown, presente d'ailleurs de frappantes similarites avec le quartier de German Village a Columbus : belles maisons de briques, un peu plus hardiment colorees et d'allure plus victorienne que germanique ici, grands espaces verts, impression de quietude cossue entre boutiques chics et bonnes adresses.
Plus au centre, autour de l'hotel - on se rejouit, a travers le Sofitel, de cette french touch qui fleure bon l'exception culturelle au coeur de Washington -, c'est un calme analogue qui domine sur la 15eme rue, entre l'ambiance debraillee de McPherson Square et celle, plus digne, de Lafayette Park, juste derriere la Maison Blanche.
C'est un diner sur le theme du chocolat (dont on a conserve puis egare la carte depuis lors entre le Midwest et Manhattan), a l'epoque ou le restaurant de l'hotel s'appelait encore le Cafe 15, qui donna naissance a l'idee d'une chronique gastronomique sur ce blog. Ce sont de nouvelles rejouissances a l'Ici - Urban bistro, qui en ravivent l'envie.
Au dejeuner tout d'abord, entre un avion chahute par la tempete et les retrouvailles avec quelques experts, on savourera une delicieuse fricassee de legumes de saison (courges, etc), un risotto cremeux aux champignons et petits pois et, pour finir, parmi un joili assortiment de patisseries, une tres honorable panna cotta. Trois fonds de verre sont proposes a la degustation pour accompagner les plats, dans l'ordre : un Sauvignon blanc avec des aromes fondus de fruit et de melon, un Carbonnieux, solide reference d'ordinaire mais qui se revele presque decevant ici compare aux trouvailles plus modestes qui l'entourent, et enfin un etonnant Pinot Gris de chez Rene Mure, avec un nez complexe et frais de peche, de pomme et d'amande - soyeux.
Dans la precipitation de ce dejeuner compensatoire d'un lever fort matinal et d'une matinee frugale, on prendra le cafe au cours du rendez-vous qui suivra.
L'affaire est encore plus serieuse au diner, qui commence par de delicieuses crepes aux champignons et au poulet avec une sauce a l'estragon. Dans une nouvelle trilogie de degustation, les crepes sont servies avec un vin sud-africain, Peter Andrew "Ingenium", agreable mais plat. Vient ensuite un iron steack (la partie comprise entre le filet les les cotes) savoureux et qui en remontrerait a bien des filets, prepare ici avec de petites pommes de terre et servi avec un Cabernet sauvignon argentin (Monte Alpha), complexe et bien structure, avec de savoureux aromes de chocolat. Le dessert est un mille-feuille a base de miel et de truffes servi avec un fond de Zinfandel - un choix plutot judicieux pour ce dessert experimental qui avive davantage la curiosite que la gourmandise.
Restaurant d'affaires, l'Ici est capable d'offrir aussi bien un dejeuner express a la demande qu'un diner plus proche de la pause intimiste, avec le concours d'un service attentif et agreable.
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L'Ici - Urban Bistro, est le restaurant du Sofitel - 806, 15 Street NW, Washington DC, 20005. Compter aux alentours de 30 $ pour un repas, plus environ 15 a 20 $ pour un ensemble de trois degustations. Note globale pour ces deux repas : 13.
17:15 Publié dans Bonnes tables | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Washington DC, bons restaurants washington, Sofitel, gastronomie
12/03/2008
A l'Osteria (se souvenir des bonnes choses)
C'est au coeur de North beach, le quartier italien de San Francisco, en descendant Columbus Avenue en direction de la baie, un peu plus haut que Broadway Avenue qui sépare d'un côté le quartier chaud, de l'autre le quartier chinois, juste au-dessus de la Kerouac Alley et du Old Chinese Telephone Exchange, que se loge l'Osteria del Forno. Toute cette partie de Columbus Avenue est densément peuplée d'adresses italiennes. Le bon y côtoie le moins bon et les perles, comme partout, sont rares, surtout en matière de gastronomie italienne où les escroqueries sont monnaie courante (en Amérique, c'est cela dit moins d'arnaque dont il s'agit le plus souvent que d'une accommodation excessive à la mode américaine, un peu comme chez Maggiano dans le quartier italien de Chicago, avec des pâtes trop cuites et des sauces trop épaisses).
Ici, même le dimanche, et même les jours de pluie, cette adresse de quartier est prise d'assaut par un mélange d'initiés à l'air entendu et de touristes éclairés. Sous la pluie, il faut prêter un peu attention à ce renfoncement étroit, coincé entre une boutique de babioles et un restaurant sicilien plus large, entouré d'adresses clinquantes tout au long de l'avenue. Plus encore que le petit groupe de personnes - couples chics, familles nombreuses ou jeunes gens sans le sou - qui tâche tant bien que mal de s'abriter dans l'entrée extérieure, c'est l'allure de la carte qui éveille l'attention : rien de ce que l'on y voit habituellement n'y figure. A l'Osteria del Forno, comme son nom l'indique, on fait une cuisine au four, ce qui élimine pratiquement toutes les pâtes, du moins celles qui sont cuites à l'eau.
L'impression se confirme en entrant. Une trentaine de couverts, simplement mis, sur de petites tables sages dominées de vieux cadres et s'enfonçant pour les plus avancées de part et d'autre de l'entrée sur d'étroites banquettes. Au fond, derrière un comptoir étriqué, une petite équipe s'affaire au-dessus de deux ou trois fourneaux qui travaillent en continu toute la journée tant l'affluence est constante depuis les grands boulevards. Le restaurant italien n'existe pas - il est, à l'origine, une simple extension de la cuisine - et cette adresse le prouve en un savoureux pied-de-nez aux apparats de toute sorte. Mélange de salades, poignée de légumes de saison, poivrons grillés accompagnés d'une focaccia délicieusement moelleuse et tiède : ici, les antipasti, rustiques, mettent à leur manière mezza voce en appétit de la suite. Mention particulière pour le carpaccio di manzo et la breasola della valtellina, des plats classiques exécutés, soit dans les règles de l'art, soit avec une pointe d'originalité (quelques champignons et une pointe d'huile de truffe pour la bresaola) qui en rehausse les saveurs.
Après cette entrée en matière, les pizze sont parfaites : pâte mince, légèrement croustillante autour de quelques ingrédients choisis qui servent la pizza plus qu'ils ne l'alourdissent (l'antithèse, pour le coup, de la pizza américaine). Un choix de pizza bianca (sans sauce tomate) est aussi proposé. Plus originales, de délicieuses focaccine (chaussons de pizza) complètent le paysage, à base de légumes, de charcuterie ou encore de la rôtisserie du jour. Mais c'est sans conteste au chapitre des delizie dal forno que l'Osteria donne le meilleur d'elle-même. Outre de petites crêpes à la béchamel, on y trouve une excellente pasta al forno, des brochettes d'agneau fondantes accompagnés de légumes cuits au four eux aussi, des crevettes à la mode adriatique et, plus encore, une polenta al gorgonzola comme on n'en trouve plus.
Avec cela, les vins - des vins du Nord du Haut Adige ou du Veneto, un Lagrein Castel Turmohof, un Tiefenbrunner ou un Corvara Armani - sont simples et bons, frais, sans fruit excessif pour les blancs, veloutés juste ce qu'il faut pour les rouges, et se boivent volontiers au verre. Avec les desserts - quelques très bons classiques, dont un tiramisu crémeux à souhait qui fait quasiment disparaître la liqueur de café (trop souvent ailleurs copieuse et acide), ou encore une simple crème au caramel -, un petit verre de Moscato s'impose, d'autant que les additions sont ici très raisonnables.
Tout au long de notre séjour à San Francisco, cette cantine sera à la fois un repère familier et un régal sans cesse renouvelé autour de spécialités du jour à se damner telle que la polenta alle salcice ou les ravioli alla zucca. Une bonne partie de mon enfance s'étant déroulée sous les auspices de la cuisine de ma grand-mère italienne, la nonna, je ne saurais trop dire aujourd'hui encore si les portes de l'Osteria ouvrent les papilles de l'adulte ou les trésors de l'enfant. Elles ouvrent, en tout cas, sur une cuisine du nord-est rare que je croyais, à tort, disparue.
18:52 Publié dans Bonnes tables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gastronomie