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23/12/2007

Washington DC (2) Portrait d'un centre du monde en aimable bourgade de province

On se rend à Washington DC dans un centre du pouvoir, on y découvrirait presque, dans les méandres du Potomac, une bonne ville de province, assez tranquille, en dépit du fourmillement institutionnel qui y prévaut. Ce serait un peu comme Paris à Orléans... Comme on est loin de l'agitation newyorkaise, de la démesure de L.A., ou même, de la puissance orgueilleuse de Chicago.

Entre les entretiens que j'eus à y mener (dont je rends compte ici), sur le chemin entre deux rendez-vous, ou bien le soir entre deux compte rendus, j'ai saisi ce que j'ai pu de la ville entre mon QG, au Sofitel, sur Lafayette Square, juste à côté de la Maison Blanche, le centre de la ville et Georgetown.

C'est là, entre la présidence, que l'on aperçoit avec peine depuis l'Ellipse, et Capitol Hill e l'autre côté, que se concentre l'essentiel des pouvoirs institutionnels, reliés entre eux par Pennsylvania Avenue, le boulevard des lobbies. Autant le Congrès respire sur les hauteurs qui dominent de larges étendues de parcs, de places et d'avenues bien dégagées (la National Gallery of Art lui fait face de l'autre côté des Botanic Gardens), autant la Maison Blanche paraît à peine surgir de l'amas des bâtiments administratifs qui l'entourent.

Du côté de 17th Street, cela prend même l'allure d'une pièce montée baroque de colonnades et de terrasses empilées les unes sur les autres et, si c'est finalement avec grâce, c'est vraiment de justesse. Le pouvoir et l'influence structurent la ville ; ils la façonnent aussi au long de ces larges artères sobres et grises bordées de cabinets en tous genres, qui ne sont que rarement dérangées par les mendiants qui s'entassent contre le froid, un froid sec à cette saison encore ensoleillée, à la sortie du métro, à deux pas de la Bank of America.

Vers le sud ouest, en traversant le Potomac, on entre en Virgine : c'est un autre monde qui, une fois qu'on a passé le Pentagone, commence à plonger vers le Sud. Mais Alexandria, où quelques spin doctors de renom ont établi leur QG, est une banlieue assez terne, entre ses rues proprettes et ses condos ordinaires.

C'est une tout autre impression qui domine vers Georgetown, en remontant au nord ouest vers l'ambassade de France, une grande batisse assez médiocre aux allures de cité universitaire. Un peu plus loin Georgetown elle-même - la ville originelle - est au contraire un bourg résidentiel élégant et cossu qui s'incruste dans les bois. En plus prospères, les maisons y rappellent les maisons victoriennes de Washington Circle, un quartier à la fois plus proche du centre et plus multiculturel, entre la George Washington University et le Kennedy Center.

Quittant la ville de nuit à l'approche de Noël, c'est un écrin féérique qu'on laisse au-dessous de soi, couvert d'une passementerie de fines lueurs qui, aux intersections ou dans les bourgs, s'unisssent en d'étincelantes émeraudes. Etrange impression de quitter un lieu de villégiature dans lequel il faudrait d'ailleurs, me souffle-t-on, revenir au printemps. New York, Los Angeles, San Francisco font face à la mer avec superbe, et voyez aussi le mur que fait Chicago au bord du lac Michigan. Rien de tel ici : Washington se replie, se protège, se cache presque. Ce n'est pas qu'elle est un lieu vide, c'est qu'elle est un non-lieu qui échappe à sa propre représentation. Los Angeles excède son mythe, Washington le trompe.

Un centre du monde, cette improbable bourgade de province ?