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07/09/2007

Persoweb (3) Découvertes

Un dernier mot à ce sujet pour partager avec vous quelques découvertes parmi les blogs nominés au concours, blogs que vous pouvez retrouver en cliquant sur le logo Persoweb ci-joint. 600 blogs ont été passés en revue par le jury et 30 ont été retenus, soit 5 blogs sélectionnés dans chacune des 6 catégories, chaque catégorie devant au final élire un blog au terme du scrutin qui prend fin aujourd'hui.

Dans la catégorie "Expression artistique", pas de réel coup de coeur, mais un intérêt égal pour trois sites très différents - Les minutes célibataires, Grenier à grain et Everland - qui, chacun dans leur style respectif, portent une véritable identité graphique ou créative.

Côté "Loisirs et voyages", il y a un vrai plaisir à se plonger dans A Berlin et Sous nos pieds avec une prime, respectivement, à l'esthétique élégante de Berlin et au concept poétique des Pieds.

Dans la catégorie "Actualité - journalisme", un coup de coeur pour Le Blog du Chi - sans doute mon préféré sur l'ensemble de la sélection - qui associe liberté de ton et humour décapant, ainsi qu'un faible pour La tête dans le poste, sorte d'Arrêt sur image de la blogosphère.

La catégorie "Citoyenneté et vie quotidienne" fait s'arrêter sur Le rose et le noir, un regard à la fois lucide et entraînant, et surtout sur Le blog de Firmin, une aventure singulière qui n'est pas sans allure, peut-être l'une des plus émouvantes de l'ensemble.

Côté "IT/Techno", un faible pour le grain de folie de Narcissique Blog et pour le cachet trendy en diable et très professionnel de TrendsNow. Chez les "Juniors", un coup de coeur pour Tokyo Megaplex ; un faible aussi pour le côté terriblement ado de Mallo bmpg.

That's it. Avec un peu de temps en plus, il serait intéressant, de l'avis de plusieurs internautes, d'élargir la revue à l'ensemble des blogs présents au concours. Comme dirait Pirsig dans son Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes (j'avais affiché la citation en khâgne, le moins qu'on puisse dire est qu'elle avait laissé tout le monde perplexe), "ce sont les meilleurs élèves qui échouent aux examens".

28/07/2007

Los Angeles... (3) Mulholland Drive

Intérieur, extérieur : au Getty Center (J. Paul Getty Museum), déambuler sur un site plus qu'entrer dans un musée, en rapprochant le travail de Richard Meier de celui de Renzo Piano pour le Centre Tjibaou : même nécessité de s'immerger dans un lieu plutôt que d'ériger un bâtiment (d'ailleurs, à certains égards, Nouméa est une petite Los Angeles).

Monter, descendre, divaguer ; traîner sur les terrasses, se pencher sur la ville. Traverser le musée en ne prêtant qu'un oeil distrait, presque ennuyé, au fatras des collections décoratives du XVIIIe. Comme toutes les constructions réussies, le Centre, au bout d'un moment, transmet une paix profonde comme s'il transmuait, par un courant ascendant au droit de Sepulveda Pass, la tension sexuelle des plages et des studios qui le flanquent de part et d'autre en communion New Age.

Seules quelques oeuvres pourtant sont à la hauteur du cadre : une poignée de toiles italiennes des XIV et XVe siècles - un Saint-Luc de Martini, Une Adoration des Mages de Mantegna, un Saint-Jérôme dans le désert, étonnament romantique, de De Roberti. Il faut y ajouter le réalisme noir d'une Mise au tombeau de Rubens, et la cruauté imbécile, saisissante, du Beggars' Brawl (une querelle de mendiants) de Georges de la Tour. Le croira-t-on ? Les Rembrandt paraissent empâtés, et les Cézanne lourds.

Mais il y a, avec Les Iris, un sublime Van Gogh - c'est une toile de la convalescence à Saint-Rémy, noueuse et jaillissante - que l'on peut tenter de regarder entre les poses de touristes encombrants, et aussi le défilé peinturluré et grinçant de L'entrée du Christ à Bruxelles de James Ensor. On découvrira aussi, au détour d'un salon de dessins du XIXe, un éblouissant portrait de femme de Seurat, tout en opposition de rayures noires et de blancs évidés que, curieusement, le musée n'intègre pas dans la sélection de ses pièces principales. C'est d'ailleurs en réaction tant à la technique qu'à la vision du monde proposée par Seurat dans Un dimanche après-midi sur l'île de la Grande Jatte qu'Ensor commis son Christ à Bruxelles.

Pour quitter le musée, prendre la promenade qui longe la ligne du tram, récupérer la voiture en contrebas de la colline, puis reprendre la direction du sud. En chemin, voir apparaître la plaque signalétique de Mulholland Drive et s'engouffrer dans la montée étroite qui surplombe Topanga State Park. Mulholland Drive... Suivre la route jusqu'au Runyan Canyon Park, y faire quelques pas à l'écart de la promenade jusqu'à un tas de palettes pourries et de gros cailloux qui bordent un chemin de traverse près d'une cabane de fortune. La vue de toute cette partie de la ville, tendue vers la Baie de Santa Monica, finit par se dissoudre dans le lointain par la conjonction de la chaleur brûlante et de la pollution, qui dessinent ensemble une longue barre de brume fine et vaporeuse sur la ligne d'horizon, et masquent même la mer.

En redescendant, se laisser dériver vers Hollywood Reserve, après une petite butte résidentielle protégée de l'ardeur du soleil par une épaisse couverture végétale de grands arbres plats, y croiser une biche arpentant le maquis, puis revenir par l'est d'Hollywood vers Beverly Hills. A l'hôtel, suite de Cinema Paradiso : se laisser tenter par Hannibal Rising, dans une sorte de stéréo démoniaque avec la lecture des Bienveillantes ; puis par le souvenir captivant du Parfum, dont j'avais conservé l'ivresse en oubliant les morts. Ivresse pour ivresse, autant terminer la soirée par un Martini cocktail au bord de la piscine, dans une ambiance trop lounge pour ne pas, elle aussi, faire un peu de cinéma (on y tournait d'ailleurs un commercial l'après-midi). Mais comment y échapper, ici ?

27/07/2007

Los Angeles Drive (1) Glamour, bar et nuitée

Attraper, en pleine nuit, un vol de Skybus à destination de L.A un jour avant la fashion team dans une sorte de quarantaine furtive. Après les Grandes Plaines, survoler les montagnes arides du Nouveau Mexique et de l'Arizona, à peine ponctuées ici ou là de quelques champs en forme de cercles aux verts prononcés qui tranchent sur les grandes masses grisâtres alentour. Puis, couper le Colorado et plonger sur la ville, vaste cuvette cerclée de montagnes et ouverte, au loin d'El Pueblo de la Reina de Los Angeles, sur la mer.

Descendre de Burbank en Prius par le Hollywood Way. Se perdre aux confins de Pasadena sur Glendale, puis se laisser happer par le tapis mouvant des voitures qui courent au long des immenses freeways de la ville. Plonger dans la 134 West, enchaîner sur la 405, direction San Diego, et bifurquer vers West Olympic Boulevard.

Descendre à l'Avalon en songeant au glamourous Hollywood des années 50, et à Marylin qui y séjourna : ce charmant hôtel des fifties situé en plein Beverly Hills, à deux pas de Rodeo Drive, a été complètement rénové - ambiance trendy et délicieusement cool -, étalant ses deux ailes comme des coques autour du noyau central formé par la piscine, bordée de patios et de hauts massifs de bambous s'échappant vers l'azur dans un environnement de verts pâles et de blancs éclatants, sous une chaleur de plomb.

Remonter les transversales résidentielles de Berverly Drive en coupant Charleville et Dayton au long des grandes allées de palmiers qui bordent les vastes haciendas ombragées et les villas néo-classiques du quartier. Prendre Sunset boulevard jusqu'aux Vanity Boards, puis repiquer vers l'Ouest, sur l'air de LA Woman des Doors sur K-Earth, en fonçant à travers Westwood et Bel Air. Serpenter à travers Las Palisades en descendant vers Santa Monica. Là, retrouver le Pacifique au soleil couchant en remontant la longue plage jusqu'au Pier, face à l'océan. Pousser jusqu'à Venice en passant devant Hotel California (...) et revenir par Santa Monica Boulevard.

Dîner au bar du Fornaio. A l'hôtel, démarrer une cure de cinéma avec "300" de Zack Snyder. Interrompre le film pour tapage nocturne à cause de l'amplification du raffût de la bataille des Thermopyles dans le dolby surround system. Puis replonger dans cet affrontement enragé en atténuant le râle des morts achéménides des chuchotements de l'épouse de Leonidas à l'oreille de son Roi. Songer qu'avec la perte du sentiment d'éternité des Anciens, nous avons perdu, peut-être pas le sens de l'honneur, mais en tout cas celui de la gloire - et le courage du même coup.

06/05/2007

768, City Park Avenue (tout apprentissage est un temps de closing)

Depuis bientôt trois mois, j'ai arpenté bien des recoins de Columbus à la recherche d'une maison qui nous permettrait, enfin, de quitter l'appartement transitoire d'Easton et de nous poser quelque part pour démarrer plus entièrement l'aventure.

Incarnation du rêve américain ?

C'est la thèse qu'a soutenue avec passion devant moi, Jenny, la mère de notre agent immobilier, venue en renfort un matin chez Cup O Joe, un coffee shop historique du quartier, alors que, sous l'effet de multiples difficultés juridiques et financières, nous étions à deux doigts de renoncer à cette acquisition, il y a deux semaines de cela, à quelques jours du "closing" - cette cérémonie légale qui matérialise, aux Etats-Unis, l'achat d'un bien immobilier.

Je crois bien que je me souviendrai longtemps de cette conversation. C'est que ce qui est en cause dans un acte de cette nature, ce n'est pas tant le projet d'achat lui-même (même s'il s'agit bien aussi d'un investissement, et qu'il faut donc traiter en tant que tel), c'est le projet de vie qui le sous-tend.

Au fond, il y a deux façons de courir le monde : le traverser, ou s'y arrêter, le travelling ou le stop. Longtemps, les murs m'ont semblé un obstacle à la mobilité - et, aujourd'hui encore, je considère que ce que nous devons en premier lieu à nos enfants, c'est moins l'héritage d'un patrimoine matériel que la transmission d'une conception de la vie, moins un droit de propriété que le goût de l'exploration, et davantage le sens du mouvement que celui de la rente.

Un peu plus de confiance, un peu moins de suffisance.

Et c'est en quoi, pour une part, je ne me sens pas "conservateur" au sens politique du terme. Je veux dire par là que je ne me sens propriétaire d'à peu près rien, d'un territoire pas plus que d'un statut. Je ne sais si, comme l'énonce la formule célèbre de Proudhon, "la propriété, c'est le vol", mais il me semble que c'est souvent la fatuité et l'ennui.

Une autre dimension, paradoxale, et politique aussi au sens philosophique du rapport à la Cité, de cette acquisition, est que, si elle est un acte individualiste par excellence, elle ne va pas non plus, aux Etats-Unis, sans l'entrée dans une communauté. Aller jusqu'à opposer pour autant la France des propriétaires à l'Amérique de l'accueil serait aussi politiquement excessif que socialement aveugle (il y a malgré tout ici matière à un éclairage anthropologique comparé du rapport à l'immigration qui me semble riche d'enseignement, et sur lequel je reviendrai).

Il n'en reste pas moins que la qualité de l'accueil que nous réservent les gens de German Village - et qui a bien peu à voir aussi bien avec la froideur des villes qu'avec la méfiance des campagnes qui tient souvent lieu chez nous de cérémonie de bienvenue -, est proprement remarquable.

Depuis notre installation en début de semaine au 768 City Park Avenue, dans la maison qu'ont habitée plus de vingt ans Jack et Carolee, c'est à qui vient se présenter, échanger quelques mots, glisser un conseil, proposer ses services dans une relation qui, dépassant à l'évidence les règles élémentaires du bon voisinage, s'inscrit d'emblée dans l'intégration à une communauté, et tisse déjà un réseau de sociabilité et d'entraide.

Cet individualisme-là, qui associe la responsabilité individuelle et le sens de la collectivité et cultive simultanément le goût du progrès personnel et le sens de la relation, me semble une alternative intéressante au débat qui oppose encore bien souvent la France des kolkhose et celle des gentilhommières.

C'est aussi en quoi notre installation à German me semble déjà potentiellement plus riche d'apprentissage que ne l'aurait été la traversée de l'Amérique dans tous les sens.

Je confirme, en passant, que cette phase exploratoire n'aura pas été sans difficultés. C'est l'épreuve obligée de l'immigrant et la ténacité imposée au nomade. S'il m'est arrivé de manquer de ténacité par le passé - par impatience plus que par mollesse -, il y aura dans cette aventure de quoi soigner ce défaut de patience. Les voyages forment peut-être la jeunesse, mais on dirait qu'ils affermissent aussi la maturité.

Tout apprentissage est un temps de clôture, dit Rilke (j'ai longtemps crû que le mot était de Proust, mais ce devait être lié au souvenir de l'attente désespérée de la conclusion de la Recherche). Il est ici, pour l'heure, un temps de closing.