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30/07/2007

Los Angeles Drive (4) L'Adoration des Images

Prendre le petit déjeuner au Champagne, la délicieuse french bakery de Beverly Drive, à l'angle de Charleville Boulevard, entre les épais cahiers du Los Angeles Times, les sourires figés de la voisine et la déambulation paisible des passants autour du Starbucks d'à-côté sous un soleil, à cette heure-ci de la journée, encore clément. La voisine, pourtant jeune, semble déjà rafistolée de partout... Il est désormais admis à Hollywood que, pour exprimer une émotion naturelle, il est préférable d'avoir recours à une actrice européenne. C'est que les Américains ont aussi une attitude plus fonctionnelle à l'égard de leur corps, qu'ils conçoivent comme un ensemble d'organes, le cas échéant, susceptibles de réparations.

Quant à l'ambiance, elle est ici naturellement moins agitée et stridente qu'à New York ; on sent les gens à la fois professionnels et cools, directs et détendus. On passe certes d'une côte et d'un climat l'autre - et l'un est aussi canadien que l'autre est mexicain. Mais on change surtout d'univers mental : là-bas, c'est la finance qui commande, ici c'est la création et, d'un monde génétiquement blanc, on passe à une aire sous influence latino. Los Angeles n'est ni une contre-capitale de l'Ouest, ni la dernière mégalopole occidentale avant le Sud. Elle est une ville-monde, une ville dont l'extension à l'infini de ses propres limites territoriales induit simultanément sa dilution en tant que ville et son rayonnement en tant que centre.

Pur enfer ou paradis décadent ? Pour en avoir le coeur net, direction les studios, sur le tempo de Papa Was a Rolling Stone. En passant par Hollywood Boulevard, jeter un oeil aux grandes signatures du cinéma gravées dans la pierre face au théâtre chinois. L'ensemble, qui prend l'allure d'un temple tout entier voué à l'adoration des images, se prolonge sur le boulevard lui-même dans l'alignement des étoiles marquées à l'effigie des stars, avant de se perdre, un peu plus loin, à hauteur de Cahuenga.

Aux studios Universal, les avions se crashent, le tram est happé par une brèche qui s'ouvre dans le sol, le feu prend de toutes parts, des monstres enragés surgissent de galeries obscures, les immeubles explosent, une tempête se déchaîne, un village est inondé, des robots mitraillent, les vitres volent en éclat, les débris fusent, les voitures décollent, un hélico plonge droit sur la foule dans des hurlements de sirènes et de cris horrifiés... Pendant plusieurs heures, se laisser embarquer dans ce monde de sortilèges, hallucinant et vertigineux. Réaliser en même temps que, si le divertissement est une industrie, les studios sont d'abord des lieux de production au sens matériel du terme.

Usine ou autel, pourtant, on hésite. Là se dévoile une autre cité dans la ville, une Cité interdite dont on aurait, comme pour les cathédrales d'antan, rendu publics les contours pour mieux en préserver l'autel, le coeur alchimique d'un monde finalement plus réel à nos yeux que les lignes sans reliefs de nos paysages ordinaires. Les scenarii sont de nouveaux Testaments, les studios d'autres temples, les lettres géantes du Hollywood Sign le symbole, Mulholland Drive le chemin sacré - ou initiatique -, les cinémas eux-mêmes les églises de la nouvelle religion du monde, de loin la plus puissante de toutes parce qu'elle est fondée sur le désir - oui, c'est cela, le message à la fois libérateur et mortifère du Parfum.

El Pueblo ! De l'autre côté du West Side et de Beverly Hills, après le monde enchanté des studios et des beaux quartiers, basculer downtown vers une autre ville, celle des marchés et des gangs, des boutiques de pacotille et des trottoirs brûlants, des parkings mafieux et des rues mal famées. Au bout de Wilshire Boulevard, s'égarer dans un coupe-gorge ; le passer en roulant au pas, mais en retenant son souffle, avec l'impression qu'au moindre écart, tout pourrait basculer, un peu comme dans Une journée en enfer. Plus loin, plonger dans la lumière éblouissante du Bradburry building, presque incongru ici, comme une butte-témoin de Blade Runner. Glisser d'Olvera Street à Old Plaza, entre la maison de Sepulveda, le marché mexicain et les missions animées, à l'ombre des églises.

Repiquer à l'ouest, vers Malibu Beach. En fin d'après-midi, le ciel se fait plus opaque. Une poignée de surfeurs taquine encore la vague, quelques promeneurs remontent le rivage, la marée monte sur une plage privée, à deux pas de chez Brosnan. Dîner improvisé au bar du Duke, en dominant la mer du haut de la grande verrière qui s'ouvre largement sur l'océan - un dîner parfait de poissons du Pacifique accommodés avec des sauces hawaïennes et accompagnés de pinot californien. Sur le chemin du retour vers West Olympic Boulevard, s'arrêter un peu plus loin, sur une petite plage, à l'entrée de Santa Monica, face à l'océan.

27/07/2007

Los Angeles Drive (1) Glamour, bar et nuitée

Attraper, en pleine nuit, un vol de Skybus à destination de L.A un jour avant la fashion team dans une sorte de quarantaine furtive. Après les Grandes Plaines, survoler les montagnes arides du Nouveau Mexique et de l'Arizona, à peine ponctuées ici ou là de quelques champs en forme de cercles aux verts prononcés qui tranchent sur les grandes masses grisâtres alentour. Puis, couper le Colorado et plonger sur la ville, vaste cuvette cerclée de montagnes et ouverte, au loin d'El Pueblo de la Reina de Los Angeles, sur la mer.

Descendre de Burbank en Prius par le Hollywood Way. Se perdre aux confins de Pasadena sur Glendale, puis se laisser happer par le tapis mouvant des voitures qui courent au long des immenses freeways de la ville. Plonger dans la 134 West, enchaîner sur la 405, direction San Diego, et bifurquer vers West Olympic Boulevard.

Descendre à l'Avalon en songeant au glamourous Hollywood des années 50, et à Marylin qui y séjourna : ce charmant hôtel des fifties situé en plein Beverly Hills, à deux pas de Rodeo Drive, a été complètement rénové - ambiance trendy et délicieusement cool -, étalant ses deux ailes comme des coques autour du noyau central formé par la piscine, bordée de patios et de hauts massifs de bambous s'échappant vers l'azur dans un environnement de verts pâles et de blancs éclatants, sous une chaleur de plomb.

Remonter les transversales résidentielles de Berverly Drive en coupant Charleville et Dayton au long des grandes allées de palmiers qui bordent les vastes haciendas ombragées et les villas néo-classiques du quartier. Prendre Sunset boulevard jusqu'aux Vanity Boards, puis repiquer vers l'Ouest, sur l'air de LA Woman des Doors sur K-Earth, en fonçant à travers Westwood et Bel Air. Serpenter à travers Las Palisades en descendant vers Santa Monica. Là, retrouver le Pacifique au soleil couchant en remontant la longue plage jusqu'au Pier, face à l'océan. Pousser jusqu'à Venice en passant devant Hotel California (...) et revenir par Santa Monica Boulevard.

Dîner au bar du Fornaio. A l'hôtel, démarrer une cure de cinéma avec "300" de Zack Snyder. Interrompre le film pour tapage nocturne à cause de l'amplification du raffût de la bataille des Thermopyles dans le dolby surround system. Puis replonger dans cet affrontement enragé en atténuant le râle des morts achéménides des chuchotements de l'épouse de Leonidas à l'oreille de son Roi. Songer qu'avec la perte du sentiment d'éternité des Anciens, nous avons perdu, peut-être pas le sens de l'honneur, mais en tout cas celui de la gloire - et le courage du même coup.