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17/01/2008

Les nouvelles élites (1) Mao, Sarko, boulot

Apostrophe

Dans un projet d'article pour Le Monde, j'avais, juste après l'élection de mai, insisté sur le fait que ce qui me semblait essentiel à l'issue de l'élection présidentielle, c'était qu'elle consacrait l'émergence d'une nouvelle génération - une génération qui, dans tous les domaines, aspirait à prendre le pouvoir. C'est par là que commence Fouks et son équipe dans "Les nouvelles élites - Portrait d'une génération qui s'ignore" (Plon) : "L'élection, dit-il, vient de révéler le fait générationnel en France : elle va permettre à une nouvelle génération du pouvoir d'exister".

Comme je l'ai fait pour le dernier ouvrage de prospective d'Attali (cf Brève histoire de l'avenir), je voudrais ici rendre compte assez largement de cet ouvrage qui, pour les gens de ma génération, me semble marquer, comme on dirait dans les officines gauchistes, un moment de conscientisation particulier sans lequel on comprend mal, je crois, tant la lassitude sociale-démocrate que l'émergence du phénomène Sarkozy. Je vous propose de le faire avec vous, d'une façon largement ouverte au dialogue, aux analyses croisées, à l'esprit critique - il ne manque guère par ici -, à l'apostrophe sinon à l'invective, et cela aussi bien avec la génération qui précède qu'avec celle qui suit. Si tout le monde s'y met, ça nous promet une belle discussion, sur un terrain qui semble un peu plus digne d'intérêt que le clinquant du moment.

Génération diverse

Yade, Mignon, Bertrand, Dati, Wauqiez, Kociusko-Morizet : il y a eu sur ce point une incontestable audace de Sarkozy tandis qu'au PS, comme dans l'administration, ce sont toujours les statuts laborieusement acquis (au prix d'un recyclage des vieilles idées en guise de créativité souligne Daniel) et l'avancement à l'ancienneté qui prévalent. En même temps, c'est un renouvellement qui dépasse la seule question de l'âge : ce gouvernement intègre, de fait, des personnalités issues de la diversité, des gens de droite et de gauche, des professions libérales et non seulement des fonctionnaires, bref, c'est un autre paysage du pouvoir, plus proche du visage divers de la société.

En sens inverse, actant le fait que le vrai pouvoir est aujourd'hui économique, les hauts fonctionnaires désertent plus volontiers le service de l'Etat pour rejoindre le privé - et ce n'est certes pas ici qu'on se lancera dans l'habituel couplet anti-pantouflage. "C'est là, en effet, que s'initient et se développent les véritables dynamiques de changement". Après la "rétention chiraco-jospinienne" - une glaciation ? -, les forces vives se libèrent. "En cinq ans, rappelle Fouks, la moyenne d'âge du CAC 40 ets passée à cinquante-quatre à quarante-six ans". Si ce renouvellement générationnel a tant tardé pourtant, c'est que la génération d'avant, celle de Mai 68, "a préféré la rupture à la transmission, en favorisant les logiques d'establishment : les révolutionnaires d'hier sont devenus les conservateurs d'un système égoïste et dangereux".

Cela aurait commencé le 21 avril 2002 avec l'accession du Front National au second tour de l'élection présidentielle. "D Day" avec "D" pour défiance. Consécration d'une société de défiance généralisée. Ce serait au fond, écrivent les auteurs, "l'histoire d'un type un peu solitaire qui, sans nostalgie pour le passé, n'aurait pas une grande confiance dans l'avenir". Ce qui caractérise cette génération, c'est en effet la fin des idéologies qui avaient porté la génération d'avant. Un interviewé complète le propos : "Nous nous sommes, pour ce qui est de notre imaginaire politique, construits entre le 10 mai 1981 et le 21 avril 2002 avec, dans l'intervalle, le 11 septembre" - et le 9 novembre 1989 faudrait-il naturellement ajouter. Avec les affaires qui marquent le début des années 90 et l'ombre portée sur la fin du deuxième septennat de François Mitterrand, c'est aussi une période de désacralisation du politique.

Désespoir et bravitude

Cette génération (celle qui avait entre cinq et vingt ans en 1981) est aussi une génération sans histoire au sens où aucun événement fondateur, guerre ou révolution, n'est venu lui donner corps. Plus important encore, elle émerge, non pas dans un climat économique radieux, mais à l'époque des "trente piteuses", dans une société "où le travail n'apparaissait plus comme une valeur, mais comme une variable d'ajustement". "Le sida, la monogamie, la sécurité de l'emploi, c'est terne, mais c'est nous" dit un désespéré.

Dans cette "mix génération", ce qui prime, c'est la diversité. "Structurées par les différences, les alterélites mêlent les influences. Le rapport à la diversité structure donc leur vision du monde et leurs représentations. Vitesse, profusion, multiplicité sont les éléments avec lesquels elles ont dû apprendre à composer. De ce fait, les élites de 30-45 ans se fabriquent un nouveau mode de pensée et d'action, fait de croisements, de télescopage, d'hybridation".

L'ambition ? Elle s'est pour le coup ramené à la sphère familière : "le bonheur des gens autour, la famille, les collaborateurs", bref, le monde qui nous entoure, jusqu'à un singulier renversement des élans : "Nous sommes de parfaits égoïstes de façon collective, et de parfaits altruistes, de façon individuelle". Une valeur ? Dans un monde divers, c'est forcément la tolérance qui l'emporte. Avec la combativité qu'il faut pour tâcher simultanément de faire prévaloir ses idées. Ce qui compte, résume un jeune chef d'entreprise avec une inflexion plus managériale, c'est "le respect des valeurs, le goût de l'effort, la nécessité de se dépasser pour progresser".

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