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16/01/2011

Looking for Eric (théorie du but de la vie en art de la passe)

Comment faire pour redonner une chance à ce qui semble irréversiblement perdu et redonner un  sens à une vie qui part en vrille ?

C'est un  postier de Manchester, Eric Bishop, qui sombre dans le plus grand désespoir après avoir revu la femme qu'il a pourtant fui, avec son bébé, une trentaine d'années plus tôt, à la suite d'une crise de panique. La vie d'Eric se traîne depuis lors entre une bande de copains, supporters comme lui de Manchester United, et deux beaux-fils à l'adolescence aussi désoeuvrée que périlleuse.

Quand sa fille lui demande, pour préparer ses examens, de partager la garde de son enfant avec sa mère qu'il n'a pas revue depuis des années, c'est le choc. Et une nouvelle fuite en avant conduisant à un accident sans gravité mais qui, en faisant soudain remonter le ratage sentimental de toute une vie, le plonge dans une dépression qui semble sans issue.

Ses copains se mobilisent. Mais les remontrances amicales ou les concours d'histoires drôles restent sans effet. Il faut trouver autre chose. C'est "Meatballs", le leader de la bande, qui provoque l'étincelle en réunissant le groupe pour une séance de thérapie collective improbable au cours de laquelle chacun doit mentionner un être dont il se sentirait aimé de façon inconditionnelle. Plusieurs grandes figures de l'époque sortent dans la bouche des uns et des autres : Mandela, Castro, Gandhi, Sinatra...

... Pour Bishop, ce sera Cantona - un autre Eric, magique et fantasmé, dont les beaux gestes ont autrefois permis, au moins le temps d'une poignée d'heures passées au stade, d'oublier la malheureuse médiocrité de l'existence. Le nom est lâché, qui finit par réapparaître dans la vie d'Eric, un soir d'hallucinations, dans sa chambre alors qu'il interroge le poster géant de son idole.

Un "life coach" ? Plutôt un ange gardien bienveillant mais sans complaisance, un compagnon qui écoute mais interroge, un ami qui comprend mais bouscule - bref, un allié inespéré qui transmet l'envie de redonner une chance à tout cela et un goût de reconquête.

Commence alors un dialogue intime, bourru et drôle entre les deux hommes dans lequel se mêlent les souvenirs d'ovations derrière les filets et les questions de derrières les fagots. Une sorte de théorie de la corrida de Michel Leiris appliquée au soccer dans laquelle, au stade comme dans la vie, on ne serait récompensé qu'à hauteur des risques que l'on déciderait de prendre.

D'une histoire de frustrations haineuses et de projections chauvines au pays des hooligans, voici donc le foot malicieusement relooké en métaphore de la vie et le buteur transformé en passeur. Ce Ken Loach généreux et inventif nous fait passer du cinéma social à la comédie psychologique, dans laquelle la misère, qu'elle soit matérielle ou affective, n'est jamais sûre.

Un film sur le but de la vie ? Sans doute mais, plus profondément encore, s'il est vrai que les plus belles réalisations de l'existence sont moins liées à ce que nous faisons pour nous-mêmes qu'à ce nous rendons possible dans la vie des autres, une variation sur l'art de la passe. C'est, dans sa plus juste acception, ce que le coaching produit de meilleur. Ce n'est pas non plus une mauvaise définition du cinéma tout à la fois comme regard et clin d'oeil.