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12/03/2007

Hâte-toi de transmettre... (ceci n'est pas une note sur la fiscalité des successions)

Toute nouveauté, dit Canetti, a besoin d'impatience pour naître.

Bien sûr, beaucoup de de projets nécessitent du temps. Le temps de se former, le temps (souvent impatient lui aussi, et mal assuré), de faire ses premiers pas dans la vie adulte, le temps de s'installer, le temps de bâtir. Bientôt même, et de plus en plus tôt, le temps de préparer de plus vieux jours sur un modèle qui sera d'ailleurs de moins en moins celui de la retraite (le droit de recevoir, en retrait du monde) que de la séniorité (la disponibilité à donner, active dans la société).

Mais, même si, d'agendas en factures, de rites en échéances, de plannings en saisons, nous finissons par dissoudre, dans les travaux et les jours, la conscience du plus fondamental de nos biens, oubliant que nous sommes toujours plus libres que nous ne le pensons, le temps nous est compté. Il y a peut-être des limites à l'aventure ; mais il y a moins d'obstacles à l'exercice de notre liberté que nous ne le pensons d'ordinaire.

A la vérité, notre capacité à réduire, d'années en années, le champ des possibles, constitue sans doute le plus vertigineux de nos renoncements.

Je crois au surgissement d'idées et de projets entraînants, de ceux qui, nous ayant souterrainement accompagné pendant de longues années, s'infléchissant, se métaphorphosant à l'occasion d'expériences inédites, de succès mais aussi d'échecs et de deuils, de nouvelles lectures, d'autres rencontres, finissent par s'imposer comme une nécessité de faire, d'entreprendre, de tenter - d'y aller.

La nouveauté pour soi n'est-elle pas, bien souvent, que l'identification attentive de ce que nous portons en nous de longue date ?

Nous sommes tout pleins de nos rêves (encore que ce soit aujourd'hui davantage de nos fantasmes) de ce qui nous a fait vibrer, vivre avec intensité - et dont voulons croire qu'il finira bien un jour par advenir. Nous faisons pour cela montre d'abord d'un honorable souci de nous organiser, puis nous nous en remettons au cours des choses avant, pour finir, de renoncer, un mince sourire aux lèvres.

Les années passent, et nous perdons cette relation vivante à la réalisation de soi, pourtant essentielle au sentiment que nous aurons d'avoir, ou non, accompli notre vie.

"Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance, car effectivement, tu es en retard sur la vie" dit René Char.

Il n'est pas trop tard.