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22/03/2012

L'Université française en mouvement (1) La question de l'autonomie

Le récent salon RUE (Rencontres Universités Entreprises) qui s'est tenu à Paris était, dans le contexte de la campagne présidentielle et des élections universitaires, l'occasion de faire un point d'ensemble sur les évolutions qui affectent en profondeur l'enseignement supérieur depuis quelques années en présence du ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, de responsables politiques, de présidents d'universités, d'universitaires étrangers, de représentants des entreprises ainsi que de divers experts.

Au centre des débats, figurait en bonne place la question de l'autonomie des universités dans le contexte nouveau créé par la loi LRU de 2007. Schématiquement, ce nouveau cadre légal renforce la gouvernance des universités en resserrant le conseil d'administration, en l'ouvrant davantage aux représentants extérieurs et notamment aux entreprises, en donnant davantage de pouvoirs aux présidents sur la base d'un projet d'établissement transversal et d'un bonus majoritaire, et en prévoyant la prise en charge progressive de responsabilités élargies allant de la gestion budgétaire au recrutement en passant par l'immobilier. Bref, une petite révolution.

Si, malgré les critiques dont elle avait fait l'objet, l'autonomie fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus aussi bien dans le monde universitaire que dans le monde politique trente ans après la décentralisation mise en oeuvre pour l'organisation administrative de l'Etat, elle n'en laisse pas moins ouverts un certain nombre d'ajustements possibles. 

Cette autonomie est-elle tout d'abord compatible avec une fonction stratégique qui relèverait davantage du niveau de l'Etat ? C'est le point de vue qu'a notamment soutenu Alain Claeys, spécialiste de l'Université au sein du PS. Que l'Etat se concentre dans ce domaine sur sa fonction stratégique n'est pas une mauvaise chose en soi dès lors que la stratégie en question est élaborée en relation avec tous les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche et ouverte sur les problématiques de la mondialisation. La stratégie de la recherche et de l'innovation élaborée et pilotée par le ministère en est d'ailleurs un bon exemple, avec ses trois axes directeurs que sont, pour simplifier, la santé, l'environnement et l'information.

En ce sens, la combinaison semble pertinente, étant entendu que les régions ont également vocation à apporter au processus un accompagnement particulier attentif à une juste appréhension des problématiques locales. Une stratégie régionale est donc parfaitement possible dans un cadre national donné, et davantage sans doute dans le domaine de la formation que dans celui de la recherche, par nature, plus décloisonné. Président de la région Basse Normandie, Laurent Beauvais a souligné à cet égard tout l'intérêt des processus de contractualisation.

Second problème : les financements - question sensible s'il en est dans la mesure où cette autonomie ne s'est pas toujours accompagnée des moyens nécessaires, en termes de budget aussi bien que de compétences ou de pilotage. Après deux à trois ans d'Investissements d'Avenir et un certain "épuisement des équipes" (Isabelle This Saint-Jean) dans une logique d'appels à projets, un correctif en faveur d'un rééquilibrage avec les financements récurrents semble à cet égard nécessaire.

La problématique de la coopération entre acteurs publics et privés autour de l'innovation constitue un troisième enjeu d'ajustement. On peut là-dessus entendre le Commissaire général à l'investissement, René Ricol, revendiquer clairement dans le cadre du mandat qui lui a été confié l'exclusion de toute préoccupation de politique industrielle ou d'aménagement du territoire et souligner simultanément "l'égoïsme des grands groupes" généralement enclins, en particulier dans le cas des Instituts de Recherche Technologique (IRT), à s'approprier l'essentiel de la propriété intellectuelle au détriment de la recherche publique. Il y a là un déséquilibre manifeste qui s'ajustera d'autant mieux que les règles de conditionnalité seront clairement énoncées et que les universités et les chercheurs se seront mieux armés pour négocier une approche plus juste de leur contribution.

Un dernier point d'ajustement concerne l'équilibre du pouvoir au sein des universités elles-mêmes. Une gouvernance allant davantage dans le sens de la conduite d'un projet que dans celui d'une médiation entre les acteurs représente une avancée positive si elle est comprise et pratiquée de façon moderne. Entre les errements de l'autocratisme new look et les dérives de la démocratie permanente, il y a place, de fait, pour plus de collégialité et, plus encore, pour un travail d'équipe pratiqué avec intelligence et méthode.

Comme ce n'est pas toujours le cas, la sanction de la réussite ou de l'échec des projets menés peut participer de cette évaluation. Dans le public comme dans le privé, on peut en effet imaginer une certaine dose de concentration du pouvoir, sous réserve que cette approche se traduise par des résultats qui participent en retour à la légitimation du pouvoir. Si ce n'est pas le cas, les instances exécutives ou électorales ont toujours la possibilité de sanctionner l'expérience. C'est parfois injuste ; mais cela constitue le plus souvent une remise en cause salutaire.

En clair, à l'heure de l'économie de la connaissance et du travail collaboratif, un modèle féodal aménagé a peu de chances de faire une gouvernance de qualité.