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07/11/2007

Un bel ouvrage bleu nuit au grain de vieux coton... (autour d'Alabama Song)

Autant Trois jours chez ma mère, en 2005, m'avait laissé non seulement froid mais agacé (c'était une sorte de dissertation littéraire de la maturité, libre mais ennuyeuse - on voulait contrer Houellebecq, et voilà tout) tout comme, en sens diamétralement opposé, je fus saisi, un an plus tard, par Les bienveillantes, autant je suis enchanté de l'attribution du Goncourt à Alabama Song de Gilles Leroy. Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai précisé ailleurs combien son épilogue m'a paru inutile, soudain, au sortir du roman. Travers d'époque. Deux ou trois pages de trop, le retour d'un égotisme lourd après un travestissement réussi et qui se suffisait pourtant à lui-même : ç'aurait presque pu être rédhibitoire.

Enchanté, oui, parce que le mot dit bien le rapport - avide -, que nous avons aux livres qui nous embarquent et auxquels on peut bien sacrifier une poignée d'heures d'un voyage, fût-il au bout du monde (j'avais, de la même manière, dévoré il y a quelques années, Une vie française de Dubois, au cours d'un week-end de mission en Nouvelle-Calédonie). L'histoire occultée de Zelda, que Leroy choisit de tisser entre le réel et la fiction, renaît ainsi avec une singulière vigueur et une poésie puissante - une poésie américaine, une poésie du Sud. Peut-être y fallait-il le cheminement d'un auteur français ? Car, enfin, je n'ai guère aimé Gatsby - la faute, pour le coup, à un mauvais professeur de lettre qui préférait les biographies aux textes et les chroniques de Cabourg aux analyses de Deleuze.

Bien sûr, on dit que l'histoire ne fait pas tout (Djian, récemment, commentant ses lectures avec un hommage appuyé à Lunar Park) et qu'elle n'est rien face au style. Bien sûr, il y a le plaisir du texte. Mais l'on peut aussi penser avec Godard et se laisser emmener par Truffaut. Et d'ailleurs, ce n'est pas tant l'histoire que la voix qui prend ici de la puissance. J'y reviendrai en me replongeant, de retour en Amérique, dans les notes que j'avais prises sur le livre en voyageant vers l'ouest.

En attendant, vous vous souvenez du parallèle que faisait Lepape entre la littérature et le plaisir amoureux ? Eh bien, essayez voir, dans la première librairie convenable qui vous passera sous le nez, de vous y arrêter et de vous saisir du bel ouvrage bleu mat, au grain de vieux drap de coton, paru au Mercure de France. Il y a un bonheur du texte. Mais il y a aussi un plaisir des textures.