Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/10/2008

Au Moma (1) Kirchner, la violence sublimée ?

"Kirchner: les rues de Berlin" est l'une des expositions temporaires du moment au Moma - que l'on retrouve avec le plaisir conjugué de la fin des travaux et du retour de l'hiver. Dans la salle presque recluse au fond du 1er étage qui accueille l'exposition, l'hiver est là en effet (on le sent à travers une infime atténuation de la lumière au long des transversales qui dominent le jardin), mais cette peinture l'enflamme.

De hautes silhouettes colorées peuplent les rues ; elles jaillissent - les dessins préparatoires l'attestent assez, ils rappellent parfois l'inspiration d'un Ucello -, fusent même selon des verticales en entonnoir qui explosent dans de hauts chapeaux improbables, entre le dédain des mâles et l'air de cocotes qu'affichent les passantes, à l'occasion prostituées.

La perspective se tord et le décor grossit, ou bien s'amenuise à l'excès selon la position au long de ces lignes diformes. Qu'ils s'affichent, s'enlacent, qu'ils nous soient montrés au bordel ou à la rue, les corps eux-mêmes sont pris dans la dureté de ces recompositions. "Street, Dresden", une toile de 1908, marque sans doute l'apothéose de cet univers tout à la fois vivant et macabre, comme porteur de la violence insoutenable que serait la vie, tension permanente entre l'apparence faussement civilisée de la société et une sorte d'aspiration douloureuse à la destruction.

Les nus n'échappent guère à ces tiraillements ("Seated Female Nude" - 1912, "Standing Nude in Front of Tent" - 1912-14), sauf peut-être lorsqu'ils s'abandonnent aux influences japonaises du moment ("Nude Washing Herself" - 1909, "Bathing Girl in Tub with Hand Mirror" - 1911). Et, plus loin, des groupes de baigneurs nus, là, alignés au bord de la plage, ces quasi amoncellements de chair, plus qu'une mise à nu, c'est une déshumanisation de la societé qu'ils portent.

Mon Dieu, tout serait dejà là ? Malgré l'illusion rétrospective, je le crois. Ce qui traverse l'exposition et ce qui, au-delà, constitue l'énigme intenable de l'expressionnisme allemand, c'est cela, la puissance visionnaire et saisissante de cette sorte de scannérisation de la société, ce macabre presque sublime - cette grimace fondamentale qui, en portant à la vérité bien au-delà des années quarante, nous rappelle inlassablement combien, à tout instant, les choses peuvent mal finir.

Commentaires

Bravo pour cet exercice si réussi. Vous parvenez à exprimer votre enthousiasme, votre émotion et à les faire partager avec une description très vivante de l’exposition. En quelques coups de pinceau vous présentez l’essentiel, ce qu’il y a de bouleversant dans ces toiles. Votre référence à Paolo Ucello permet encore mieux de cerner certaines d’entre elles, dont on en perçoit la force. On sent que l’artiste n’avait pas beaucoup d’illusions sur l’humanité à laquelle il appartenait. On dirait presque que le prisme politique qui guide votre visite s’est imposé de lui-même.

Écrit par : Carmenza | 30/10/2008

Oui Carmenza, c'est bien d'humanite plus que de politique dont il s'agit ici. Merci pour votre message. Vious avez un site ?

Écrit par : Olivier | 31/10/2008

Non, Olivier, je n’ai pas encore eu le loisir de créer de site, ayant été trop occupée - depuis que j’ai cessé de travailler - à censurer mon blogueur de mari (trop politiquement incorrect à mon goût).

Écrit par : Carmenza | 31/10/2008

Quelle abnégation... Vous faisiez quoi Carmenza ? Vous cherchez (éventuellement) quoi comme nouveau job ? Et aussi où peut-on voir le blog (conjugual) que vous évoquez ?

Écrit par : Olivier | 01/11/2008

Olivier,

Puisque nous avons quitté le terrain de la peinture, je vous réponds par mail…

Écrit par : Carmenza | 02/11/2008

Les commentaires sont fermés.