05/01/2008
Le "Big Mo" de Barack
Vous avez vu ça ? Ou plutôt, vous avez entendu Barack Obama, hier soir, dans l'allocution qui a suivi sa victoire dans le caucus de l'Iowa ? Il se passe quelque chose d'historique ici. C'est aussi le sentiment de Jack Cafferty, l'analyste politique de référence de CNN. On sent une vibration que l'on ne retrouve pas dans les meetings des autres candidats démocrates, quelque chose d'électrique qui rappelle, d'une façon tout de même moins érotisée, le clip de la Obama Girl, Amber Lee Ettinger, I Got A Crush On Obama, qui figurait l'an dernier parmi les dix videos les plus regardées sur YouTube.
Comme toujours, le charisme introduit un biais et, à exagérer son importance, on risque de manquer les fondamentaux : expérience démontrée, puissance financière, professionnalisation des équipes, sondages nationaux, importance sans commune mesure d'autres Etats... etc, qui font que Clinton et Giuliani apparaissent parfaitement sereins aujourd'hui, après un résultat qu'ils ne jugent pas significatif (Hilary se félicite de la dynamique démocrate, tandis que dans le camp de Rudy on ironise sur la portée du vote de Des Moines). Dans le cas de Barack Obama, n'oublions pas cependant que ce charisme était, en soi, un enjeu après la relative déception qui avait fait suite à ses débuts prometteurs lors de la convention démocrate de 2004.
Certes, l'Iowa ne fait pas plus le président aux Etats-Unis que la Creuse ne le fait en France. Justement, pourrait-on cependant rétorquer : si l'Amérique profonde commence à s'y mettre, à lancer cette dynamique-là - le Big Mo disent les Américains -, à mettre en orbite un Afro-Américain, alors tout est possible. Surtout - et c'était bien là le message électoral essentiel du candidat démocrate hier - si le New Hampshire confirme ce résultat le 8 janvier, ce qui donnera alors un signal puissant et crédible à l'importante communauté afro-américaine de Caroline du Sud, un enjeu clair pour l'élection tant l'attitude de cette communauté à l'égard d'Obama est, pour l'heure, très partagée.
Pour l'heure, Obama est porté par un important courant constitué notamment des jeunes, des électeurs indépendants et même des femmes alors qu'Hilary Clinton avait porté ses efforts en particulier sur ce groupe. Même erreur que Ségolène Royal en 2007, alors qu'Obama se garde bien de son côté d'apparaître comme le porte-parole de la communauté noire ? Il est trop tôt pour le dire et, encore une fois, ce scrutin, qui ne vaut que comme signe, est très loin de revêtir une quelconque importance quantitative dans l'élection.
Ce qui reste fascinant, c'est combien l'Amérique est simultanément ancrée dans sa tradition conservatrice, qui fait la percée du pasteur Huckabee dans le même scrutin, et travaillée par la question du changement, qui porte si fort Obama contre Washington - entendez les mauvaises habitudes institutionnelles et autres querelles partisanes. Au terme des deux mandats de George Bush et pour des raisons naturellement différentes, l'Amérique républicaine et l'Amérique démocrate donnent le sentiment, comment dire, d'avoir perdu du temps, gaspillé des ressources, manqué quelque chose.
Et cela, cet appétit de retrouver les chemins de la fierté et du progrès, revient en force aujourd'hui. Quelle qu'en soit l'issue, puisse Obama ne pas finir assassiné dans cette aventure car, après tout, dans l'histoire politique américaine, le tragique n'est jamais très loin de l'épopée.
19:45 Publié dans De la démocratie vue d'Amérique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Etats-Unis, politique, Barack Obama, Obama Girl, Amber Lee Ettinger
Commentaires
gloups...
la conclusion fait froid dans le dos :-(((
Écrit par : Nico2312 | 08/01/2008
Nico
C'est vrai, j'espère naturellement que cette crainte est infondée mais en même temps je crois qu'une partie de l'Amérique aura vraiment du mal à vivre avec ça. Et puis le pays reste travaillé par la violence, regarde Luther King, les Kennedy, Harvey Milk (j'en reparlerai à propos de San Francisco)...
Il y a périodiquement ici des crispations anti-libérales mortifères. Moi-même, j'ai été attaqué par trois types armés dans la rue d'à-côté un soir de l'été dernier avant même de m'être déclaré pour la vice-présidence... :-D
Yann
Eh bien, quel aventurier tu fais en effet, je m'étonne moins maintenant qu'on ait si peu marqués de buts de l'aile droite, ou gauche je ne me souviens plus, sur les planchers du HBCY. Fais quand même gaffe : tu as un morceau de moquette, un coussin, un tapis de bête au moins, à côté du fauteuil ?...
Alessandra
Passons aux choses sérieuses -:) après ce détour par un monde de brutes comme dirait Catherine Pégard quand on lui demande pourquoi, de journaliste qu'elle était, elle est devenue conseillère de Sarko - apportant là dedans "un peu de douceur" confie-t-elle...
Ce que vous dites est juste. Je crois aussi que la poésie sert à mieux comprendre le monde (Freud disait qu'elle allait souvent plus loin que la science). Et puis je trouve aussi qu'elle est parfois un formidable ressort d'exploration, de découverte, de générosité, bref, qu'elle n'est pas toujours si contemplative qu'on ne le pense.
Par exemple ce qu'éveille Gracq en moi, c'est à la fois une certaine qualité de présence au monde, de recueillement si l'on veut, et un sens actif de l'épopée. Gracq donnant des fourmis dans les jambes, on aura tout vu...
Écrit par : Olivier | 08/01/2008
@ Olivier
c'est vrai que vu d'ici (de France) on oublie rapidement que la violence, physique, fait partie intégrante de la culture, y compris politique, aux EU...
quand tu vois qu'ici un "vieilli, usé, fatigué" fait figure scandale comme son avait assassiné la personne en question...
Écrit par : Nico2312 | 09/01/2008
Les commentaires sont fermés.