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16/04/2008

Obama, un nouveau modèle de leadership pour notre époque (2) Le bon, la brute ou le leader ?

Que peut apporter ce modèle au monde ?

Si Obama confirme son leadership sur le camp démocrate, remporte l’élection de novembre et agit par la suite conformément à ce qu’il déclare, cette réussite, après deux mandats de George Bush vécus par beaucoup d’Américains comme un gâchis au plan tant intérieur qu’extérieur, offrira bien sûr la chance d’un autre positionnement des Etats-Unis, plus ouvert, moins unilatéral, bref, moins caricatural.

Au-delà des dossiers géopolitiques du moment, ce modèle pourrait aussi, pour ainsi dire par contagion, inspirer d’autres démarches progressistes renouvelées, capables par davantage d’attention aux faits comme par une inspiration juste parce que longuement mûrie au contact des réalités sociales, de mieux dépasser les antagonismes, d’associer mobilisation collective et responsabilisation individuelle, de représenter encore un ancrage possible pour un multiculturalisme à la fois tolérant sur les mœurs et exigeant sur les principes.

Si l’on associe de surcroît au sénateur de l’Illinois sa femme, Michelle, reconnue par nombre d’électeurs américains comme une personnalité elle aussi exceptionnelle – voyez encore le discours qu’elle a prononcé le 16 mars à Villanova (Pa) –, c’est un modèle doublement neuf, complémentaire, que donne à voir la montée en puissance de Barack Obama, et qui laisse ainsi également entrevoir une intelligence plus complète et des rapports plus mûrs entre les sexes.

Que nous dit-il enfin sur la France ?

En nous invitant à porter un regard sur l’Hexagone à la fois attentif et distancié, ce modèle fait aussi apparaître, en creux, quelques unes de nos faiblesses en matière de leadership, qu’il soit d’ailleurs de droite ou gauche. Il en va du changement chez nous comme des westerns en Amérique : pas plus que « le bon » ne sait entraîner, « la brute » ne peut rassembler. Or, si « le truand » n’est jamais une bonne option, la question du leader, des leaders, est bien en revanche une question posée avec acuité aujourd’hui à la société française.

Ce nouveau modèle de leadership fait d’abord ressortir le fait que nous sommes, nous aussi, un pays profondément clivé et figé sur des antagonismes anciens qui peinent à faire davantage de place au pragmatisme et à l’innovation. Il y a là, à l’évidence, aussi bien un déficit de méthode qu’un passage de relais difficile de la génération du baby boom à celle d’après Mai 68. La capacité de ce nouveau leadership à la fois à rassurer et à réintroduire de la confiance révèle aussi la primauté des peurs au sein de la société française et cette propension assidue au découragement et au cynisme plutôt qu’à l’expérimentation et à l’action.

Bref, d’un peu plus loin qu’avec notre focale habituelle, l’émergence entraînante du nouveau style de leadership que représente Barack Obama ne fait ressortir qu’avec davantage de force encore notre difficulté à renouveler nos références démocratiques et à impulser de nouvelles dynamiques, dans lesquelles la réforme ne serait pas l’ennnemie du plus grand nombre ; c’est là d’ailleurs tout l’enjeu de la feuille de route que représente le rapport Attali qui cristallise bien, de fait, cet enjeu de génération.

Ainsi, l’engouement perceptible dans notre pays pour Barack Obama ne représente-t-il pas seulement l’attente d’une Amérique nouvelle. Il exprime aussi, chez nous, avec vigueur le besoin de dépasser les vieux clivages inopérants dans un monde en mouvement.

15/04/2008

Obama, un nouveau modèle de leadership pour notre époque (1) Diriger par l'exemple

Vous pouvez également consulter cet article sur nonfiction, le portail des livres et des idées, dans la rubrique "actualité des idées".
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Est-ce l’effet d’un nouveau sortilège démocratique orchestré par ses stratèges, ou bien assiste-t-on réellement, avec la montée en puissance de Barack Obama, à l’émergence d’un nouveau type de leadership ? A en croire les progrès spectaculaires et constants enregistrés par le sénateur de l’Illinois de vote en caucus, une nouvelle manière, convaincante, de faire de la politique – et même, chez les plus jeunes, de donner envie d’en faire –, est bien en train de s’affirmer aux Etats-Unis en brouillant les lignes des catégories si familières aux Américains. Sur l’ensemble des questions qui se posent avec acuité à la société américaine : récession, guerre en Irak, immigration, éducation qui, toutes, se rapportent en fin de compte à la pertinence actuelle et future du « rêve américain » pour les gens ordinaires, Barack Obama convainc autant par un discours qui sonne juste que par un pragmatisme qui rassemble.

De quoi est fait ce nouveau leadership ?

Contrairement à l’image que véhiculent ses adversaires d’un rhéteur inspiré, déconnecté du réel, Barack Obama s’impose d’abord par sa capacité à faire prévaloir le pragmatisme sur l’idéologie. Pour si insuffisantes qu’elles puissent paraître au regard du système en vigueur dans notre pays, les améliorations apportées, lorsqu’il n’était que sénateur de l’Ilinois, sur la question de la peine de mort, en donnent une illustration claire . Au-delà des sujets, ce qui est essentiel ici, c’est la capacité à passer des compromis pour aboutir à des progrès, même limités, plutôt qu’à tenir des discours intransigeants qui ne déboucheront sur aucune avancée réelle – une voie dont le projet de réforme du système de santé porté par Hillary Clinton en 1994 reste un exemple-type. Or cette capacité à élaborer des compromis est plus décisive encore dans le système institutionnel américain, dans lequel bien peu de réformes sont en réalité possibles sans un minimum d’accord bipartisan .

Un autre élément-clé pour saisir la portée du nouveau modèle incarné par Obama est l’approche de la question de l’identité. Au rebours de la dominante sécuritaire défendue tant par les conservateurs américains que par nombre de responsables politiques au sein des démocraties occidentales, ce que propose le candidat démocrate sur ce thème – que l’importance de l’immigration clandestine rend, aux Etats-Unis, particulièrement sensible –, ce n’est pas un traitement statique, mais une approche dynamique. Ce qui compte aux yeux d’Obama, ce n’est pas tant l’ancrage historique ou les origines ethniques que la remise en mouvement de la société qui doit permettre de retrouver le rôle intégrateur qui a fait la force de l’Amérique par le passé.

"Lead by the example"

La capacité d’Obama à proposer des compromis et à mettre en mouvement la question de l’identité aurait pourtant une portée limitée sans un style personnel qui donne force et cohérence à l’ensemble. Il y a d’abord ce qui vient de sa génération : jeune, Obama apporte, presque en lui-même, un regard neuf sur des questions qui, bien qu’anciennes, n’ont pas pour autant été dénouées – l’exemple le plus spectaculaire étant bien sûr celui de la question raciale si justement mise en lumière et en perspective par le sénateur de l’Illinois dans le discours qu’il a prononcé le 18 mars dernier à Philadelphie.

L’approche du changement comme dynamique à construire plutôt que comme programme clé en main entre également dans ce cadre. Loin d’une promesse d’assistance indéfinie, elle ne va pas – c’est l’apport essentiel de l’Amérique à toute sensibilité progressiste – sans un appel vibrant à la responsabilité pour que chacun trouve l’énergie de prendre sa destinée en main. C’est à tort, là encore, que l’on fait parfois d’Obama une sorte de prêcheur envoûtant les foules : le charisme est bien là, mais sa générosité consiste bien davantage à inspirer ou à inciter qu’elle n’est de l’ordre de la promesse – ou, si promesse il y a, il revient bien à chacun de contribuer à la réaliser.

C’est, au fond, un modèle équilibré de leadership qui se dessine sous nos yeux, à la fois convaincu et posé, ambitieux et humble. Sa vertu cardinale, c’est l’exemple. « Lead by the example », diriger en montrant l’exemple : c’est d’ailleurs ainsi que les Américains caractérisent cette dimension essentielle de tout leadership et que le parcours d’Obama, de ses origines mélangées à ses études brillantes, de son engagement de terrain à ses premiers combats, donne à voir avec tant de force et d’entraînement.

Au-delà de l'Amérique, que peut apporter ce nouveau modèle au monde ? Et que nous dit-il sur la France ?